Le roman d'Emile Zola, Nana (1880), se situe dans le Paris de la fin du XIXème siècle et met en scène un personnage féminin, Nana, fille de Gervaise et prostituée : « Le sujet de Nana est celui-ci : Toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n'est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde » (Emile Zola).
Le premier chapitre du roman d'Emile Zola, Nana, traite d'un motif, la représentation d'une pièce de théâtre et a pour thème de fond celui de montrer comment Nana devient elle-même objet de spectacle, puis objet de désir mythique qui séduit et défie le Tout Paris. Et ceci à travers la structure du texte, puis les modes d'apparition de Nana et enfin l'interaction entre les spectateurs et Nana qui débouche sur le rapport entre le spectacle et la vie sociale réelle...
[...] Mais le théâtre n'est pas métaphore du désir mais métonymie du Tout-Paris. La spectacularisation de Nana s'inscrit dans cette représentation théâtrale et développe la structure du théâtre en bordel. Par deux fois, Bordenave rappelle La Faloise à l'ordre en insistant sur le mot bordel à la place de celui de théâtre : Dîtes mon bordel Cette même phrase, répétée une troisième fois par Bordenave, clôt le chapitre. Ces répétitions sont là pour favoriser la lisibilité du texte. Il s'agit de faire comprendre au lecteur qu'il ne saurait être question d'Art. [...]
[...] Le bavardage des spectateurs a pour fonction de poser la question de l'origine du statut, de la destination de Nana : D'où Nana tombait-elle ? Le personnage de Nana nous est donc présenté par la rumeur et les bavards : Et des histoires couraient, des plaisanteries chuchotées d'oreille à oreille Le personnage est donc déjà déclassé dans le propos des autres sur lui. Mais il s'agit d'un réglage de sens et de programme. Le personnage est orienté vers son identité. Sa puissance est à venir. [...]
[...] Il s'agit aussi de territorialiser le personnage. Le lieu classe le personnage et c'est le fait du déclassement qui peut déclencher la narration, ici une parodie de représentation, d'où l'importance du cadre narratif. Ce chapitre premier offre une description narrativisée pour faire attendre et désirer Nana, et cela à travers une parodie de représentation qui fonctionne de la dégradation à l'amélioration du personnage de Nana en même temps que de l'amélioration à la dégradation du système divin : Et Nana, en face de ce public pâmé [ ] restait victorieuse avec sa chair de marbre ; Ce carnaval des Dieux, l'Olympe traîné dans la boue, toute une religion, toute une poésie bafouée, semblèrent un régal exquis Le spectacle mythologique est une mise en abîme. [...]
[...] Mais le sens est explicite. Enfin, le bavardage des spectateurs n'est pas la seule source d'information, il y a aussi le plan de l'énonciation. L'information est véhiculée parallèlement à un autre message qui lui tend à corriger le premier et qui présente Nana comme un personnage à l'état inchoatif, mais qui déjà en représentation corrompt les mœurs. Elle corrompt déjà le monde des Dieux, renverse les valeurs, elle donne un sens équivoque au spectacle. Le plan de l'énonciation, c'est-à-dire le regard que le narrateur pose sur Nana, dit que Nana est une prostituée et cette voix ne se confond pas avec la clameur publique. [...]
[...] Et Nana en est le centre. Au fond, le chapitre 1 de Nana s'ouvre par une représentation théâtrale où apparaît progressivement le personnage principal de Nana, dont le corps plus que la voix conquiert le public mâle du Tout-Paris venu la découvrir : Peu à peu, Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait C'est une dynamique de spectacle destinée à faire du corps de Nana un objet de désir universel et mythique : la femme fatale apparaît en Vénus. [...]
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