« Naissance de la nation France » : le titre du livre de Colette Beaune est à lui seul instructif d'un projet, qui consiste à repérer, au-delà de l'histoire politique et sociale du Moyen Âge, la naissance de la nation française à l'intérieur des représentations, des mentalités et des affects. Si la nation française est « née », c'est pour ainsi dire qu'elle a « pris corps » : la métaphore organiciste traverse l'ouvrage, donne à la nation les déterminants d'un individu en gestation. « Naissance de la nation France », c'est aussi une reprise du thème de la « naissance de l'enfant Jésus ». La naissance de la nation a pris une forme religieuse et s'est inscrite dans la logique du baptême, de la vie chrétienne.
[...] Saint Denis : Evanglisateur de la Gaule, Saint Denis fut le premier et longtemps le seul patron des rois et du royaume. Des Carolingiens au début du XVème siècle, son affinité spirituelle avec le pays n'a pas été contestée. Mais cette affinité s'est construite au prix d'une mobilisation de la légende et de thèmes mythiques. Avant le royaume de Bourges, seule l'autorité royale avait pu faire taire les doutes sur les caractères historiques controversés du personnage : mais, parallèlement, son rôle évangélisateur a été développé, tandis qu'a été souligné son rôle de protecteur du roi dans le monde des vivants et dans celui des morts. [...]
[...] Au cours du XIIIème siècle, ont fit prier tous les habitants du royaume pour la personne royale, et enfin pour la nation tout entière au XIVème siècle. - La temporalité religieuse associée au développement pérenne du sentiment national ne pouvait néanmoins se restreindre au cadre universaliste et souvent abstrait des prières adressées à Dieu ou à la Vierge. Des relais furent mis en place qui, tout en garantissant la nature religieuse, sacrée, et la temporalité propre du caractère divin de la nation France, s'ancrèrent dans le devenir historique et territorial du royaume. [...]
[...] Elle était devenue la mère à laquelle tous les Français devaient sacrifier leur vie, si nécessaire. L'idéologie nationale avait gagné en cohérence et en unité. Or, le succès de ces reconstructions sporadiques était dû à la nature même de la temporalité construite des origines et des caractères attribués à la nation France : situés hors du temps, parce que rattachés à l'autre monde, le monde éternel de la volonté divine Or, cet ordre, fondé sur le rapport au Dieu chrétien, recourait à une temporalité qui tendait à s'extraire de la réalité historique. [...]
[...] En effet, tout [devait] y être annoncé et y avoir sa correspondance, exactement comme à chaque événement de l'Ancien Testament correspond un événement et un personnage du Nouveau Testament. L'histoire de la nation française devait être une histoire sainte. Pourtant, la construction du mythe des origines de la nation France fut paradoxale, à moins de considérer cette origine, précisément, comme une naissance dont le caractère chrétien a pu venir en second, au moment du baptême Deux traits mythiques peuvent alors être considérés séparément : - Premier trait, les origines de la nation France ont commencé avec une légende païenne. [...]
[...] Saint Louis, en revanche, roi et Capétien, dont la canonisation était perçue comme particulièrement légitime, était un candidat idéal. Sa légende fut élaborée dès la fin de son règne, par plusieurs biographies et panégyriques mettant généralement l'accent sur ses vertus spirituelles et sa sainteté ; et son souvenir, durable, était encore cultivé à la fin du Moyen Âge. Mais Saint Louis, ennemi du centralisme fiscal, partisan de la franchise fiscale soit d'un impôt modéré en accord avec les libertés locales, exerça une tutelle ambiguë sur la Couronne, puisqu'elle fut reprise à leur compte par les nobles ennemis de l'impôt dans la première moitié du XIVème siècle. [...]
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