Dans les visions classiques de l'enfance, le refus du monde des adultes se solde, au bout du compte, par un échec ; c'est-à-dire que chaque souvenir de ce que fut l'enfance est l'impitoyable et cruelle confirmation que la vie, c'est la loi, est une défaite. Dès le début de son existence, l'enfant doit engager un dur combat contre les adultes, combat qui se termine inexorablement par sa soumission. Or, chez les auteurs étudiés, en particulier Italo Calvino, il n'est pas question de se soumettre : « Au niveau fabuleux, le grand refus de la société adulte est incarné par le Baron perché »1 note Gilbert Bosetti, que le personnage de Pin annonce déjà. C'est à l'enfance qu'Italo Calvino confie une fonction à la fois provocatrice et contestataire...
[...] Ce n'est plus une succession de caprices et de réconciliations (ou de soumissions) mais une rupture sans retour: ce défi signifie le refus de l'ordre établi dans la famille et la société Pourtant, Jean Cocteau, dans Les Enfants terribles, avait déjà montré que ceux qui veulent poursuivre le jeu de l'enfance au-delà de cet âge se condamnent à mort. Seuls des enfants peuvent jouer un rôle à la fois passionnément et pour rire, coller au masque et s'en détacher. Car être fidèle à l'enfance, c'est tout autre chose que se souvenir des capitulations quotidiennes ; c'est lutter pour rester fidèle à soi-même en préservant sa force créatrice : Or la société ne l'admet pas. [...]
[...] La capitulation marque la fin de l'enfance, de l'espérance et de la résistance. En cela, Italo Calvino reste fidèle à la position symbolique d'une enfance contestataire qui en une décennie a progressé : Pin agressait les adultes puis régressait dans le sentier des nids d'araignée pour y chercher une consolation ; Cosimo prend de la hauteur: son territoire d'exercice n'est pas sur terre, mais légèrement au-dessus, sans pour autant s'éloigner de ce bas monde si captivant où l'on fait l'amour et la guerre A Voltaire qui lui a demandé : Mais c'est pour approcher du ciel que votre frère reste là-haut ? [...]
[...] A Giglia qui lui demande qui il est et ponctue sa question d'un petit qui fait frémir de dégoût Pin, ce dernier répond sans hésiter : Je suis ton fils. Tu t'es pas aperçue, cette nuit, que t'accouchais, non ? Cousin le juge dégourdi (p.83). Enfin, ultime ressemblance de Pin avec Gavroche : la voix. Pin chante ; et Gavroche meurt sur une barricade en chantant. L'enfant des rues est souvent un être solitaire, mal-aimé et pris entre deux mondes comme entre deux feux. [...]
[...] C'est à l'enfance qu'Italo Calvino confie une fonction à la fois provocatrice et contestataire. La situation symbolique du Baron perché enrichit ce sentiment complexe d'une marginalité efficace qui engendre alors un véritable mythe de l'enfance comme force d'opposition et où le jeu devient une guerre non plus mimétique de celle des adultes mais contre les adultes Pour Cosimo et son frère, cela commence spontanément et innocemment par un repli, un refuge aérien d'observatoire, puis par un retour aux ressources de la vie naturelle opposée à la maison et à la table familiales : Nous grimpions sur les arbres Tous les enfants du monde sont tentés, comme le timide narrateur du Baron perché, de secouer le joug parental, mais peu d'entre eux osent se lancer dans une opposition radicale. [...]
[...] Le Clézio condense tous les éléments du système de valeurs adolescent : il dénonce la société des adultes, laide, corrompue, glacée, artificielle ; et embellit l'extra-terrestre, beau, lumineux, prêt à faire advenir un monde nouveau, monde de la vengeance et de la revanche. Le triomphe de l'enfance est absolu en ce sens qu'il n'y a pas d'initiation. Toute initiation est même refusée : il ne s'agit pas de devenir un homme mais de rester un extra- terrestre A l'image de Cosimo, les quatre protagonistes restent là- haut perchés. [...]
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