En 1834, alors que Louis Philippe a déçu les espoirs du peuple et des intellectuels, que lui-même a été abandonné par George Sand, Musset écrit Lorenzaccio, un des chefs d'oeuvre du drame romantique.
Dans cette première scène, rajoutée après coup, apparaissent le duc Alexandre de Médicis et Lorenzo, les principaux protagonistes : on les voit à l'oeuvre, en train de dévoyer une jeune fille de quinze ans. Cette scène est à la fois une scène d'exposition et d'action où l'on peut percevoir qui est le véritable « sujet » de celle-ci. Elle illustre la pratique et la théorie du libertin (...)
[...] La stratégie comporte deux éléments différents. Tout d'abord, le débauchage de la jeune fille. On la repère jeune et jolie, c'est ce que Lorenzo appelle le débauchage à la mamelle Le travail est lent et méthodique ; l'énumération de Lorenzo utilise des images d'ordre divers : ensemencer, infiltrer le vice Il souligne le rôle de l'imagination dans cette étape. Le débauché convainc peu à peu la victime de renoncer à ses défenses morales en lui faisant désirer ce qui l'effraie (l.17à20). [...]
[...] Il est aussi l'équivalent intellectuel de Lorenzo : il possède le même art du langage. Mais c'est l'ange blanc alors que Lorenzo est l'ange déchu. L'échec de Maffio souligne l'impuissance des partisans du bien. Il veut se battre comme un aristocrate, soulignant que la bourgeoisie essaie de reprendre les valeurs de l'aristocratie ; mais il est impuissant. Son combat est dérisoire. Lorenzo, en tant qu'adjuvant s'oppose encore à Giomo. Cette fois, c'est le comparse qui est dédoublé. Giomo est l'équivalent social de Sganarelle pour don Juan ou de Figaro pour Almaviva. [...]
[...] D'ailleurs, on apprend ici qu'il paye pour obtenir les faveurs de la belle, et qu'il ne l'a même pas vue, puisque Lorenzo s'efforce de la lui décrire. L'argent est habituellement méprisé par les aristocrates par les romantiques-, il est réservé aux préoccupations bourgeoises. C'est Lorenzo qui possède les capacités du séducteur. Lui aussi est un aristocrate, puisqu'il est le cousin du duc. C'est lui qui repère les victimes et les conquiert. Sa tirade est révélatrice de ses talents. Il parle avec aisance et conviction, accumulant les métaphores pour décrire Gabrielle et le travail de débauche auquel il semble se complaire. [...]
[...] Gabrielle a joué son rôle avant que la pièce commence. On le devine dans la tirade de Lorenzo. Mais elle a été séduite, sa morale n'était pas solide : point de fonds dans les principes (L.26). La mère a vendu sa fille pour une forte somme, ce qui est suggéré l.7. En revanche, le frère, Maffio est attaché à ses principes. Son monologue l.38sqq indique qu'il est inquiet pour sa sœur, qu'il a cru voir sortir en rêve. Il est prêt à se battre pour elle, il croit à l'honnêteté du prince. [...]
[...] Rajoutée après coup, cette scène n'était pas utile à la suite de l'action. Elle est surtout révélatrice de la personnalité des personnages, de leur conception de la séduction et de la morale. De forts contrastes existent entre eux. Lorenzo et le duc forment un couple de débauchés. Le grand seigneur séducteur, dont le prototype est Don Juan, est ici dédoublé. Le duc correspond socialement à don Juan, le duc de Nemours, Valmont, Almaviva. Il leur est même supérieur puisqu'il dirige Florence. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture