La Mort des Amants inaugure la dernière section, La Mort, du recueil Les Fleurs du Mal. Après une sorte de forme d'exposition, Spleen et Idéal, constat du monde réel tel que le perçoit le poète, les trois sections suivantes sont des tentatives de réponse illusoires au spleen. Baudelaire s'aventure à cette fin dans les drogues (Le Vin), puis tente de se noyer dans la foule anonyme de Paris pour y trouver une forme de beauté (Tableaux parisiens) avant de se tourner vers le sexe et les plaisirs physiques (Fleurs du Mal). Après ce triple échec vient la révolte contre l'absurdité de l'existence (Révolte) qui, elle aussi s'avérant vaine, se solde par l'ultime section, La MortElle constitue la conclusion somme toute logique et ferme le ban des poèmes, figurant aux yeux du poète comme la seule issue possible après tant de désespoir, l'unique accès à l'infini, et le symbole parfait de l'amour éternel.
Ainsi, ce sonnet témoigne une vision de l'amour idéalisée par la mort.
I- Une vision physique et fusionnelle de l'amour
a- Un amour fusionnel
Tout au long du poème, Baudelaire ne cesse d'évoquer les amants dans leur similitude, leur ressemblance et leur reflet l'un dans l'autre, refusant ainsi toute distinction et leur permettant de fusionner. On relève dans ce sens :
-Nos deux coeurs, vers 6
-nos deux esprits, vers 8
-ces miroirs jumeaux, vers 8.
Les amants sont en accord total et fusionnent. Ils s'expriment d'une seule voix : Nous aurons (vers 1), Écloses pour nous (vers 4), Nous échangerons un éclair unique (vers 10). Du reste, l'éclair unique et le long sanglot (vers 11) qui suit sont au singulier, témoins de cet amour fusionnel. Le couple est alors unité, apogée de l'amour romantique. Chacun a trouvé son âme soeur et accède ainsi à l'unité originelle, celle de la fusion avec la mère. (...)
[...] Du reste, l'éclair unique et le long sanglot (vers 11) qui suit sont au singulier, témoins de cet amour fusionnel. Le couple est alors unité, apogée de l'amour romantique. Chacun a trouvé son âme sœur et accède ainsi à l'unité originelle, celle de la fusion avec la mère. La mort, alliée de l'amour éternel Baudelaire exprime ainsi la vision romantique du couple, telle qu'elle apparaît également dans Roméo et Juliette, que rien ne peut séparer, pas même la mort. Cela permet alors d'atteindre l'éternité. [...]
[...] Dans l'au-delà, Baudelaire est persuadé du renouveau des sentiments (dernier tercet). C'est inéluctable : l'amour est ranimé par un ange fidèle et joyeux (vers 13). III- L'amour servi par une vision exaltée de la mort Dans ce poème, Baudelaire s'exprime uniquement au futur (aurons, vers 1 ; seront, vers 6 ; réfléchiront, vers 7 ; échangerons, vers 10 ; Viendra, vers alors que le conditionnel aurait été plus approprié pour transmettre au lecteur le lyrisme de sa vision de la mort. [...]
[...] C'est ainsi que tout le poème fait intervenir le champ lexical des sensations : - l'odorat .lits pleins d'odeurs légères, vers 1 .fleurs, vers 3 - la vue .cieux plus beaux, vers 4 .Qui réfléchiront leurs doubles lumières, vers 7 .miroirs, vers 8 .de rose et de bleu, vers 9 .un éclair unique, vers 10 - le toucher .Des divans profonds, vers 2 .le corps tout entier ressent de la chaleur (leurs chaleurs dernières, vers 5 ; vastes flambeaux, vers - l'ouïe (un long sanglot, vers 11). Ce florilège de sensations culmine au vers 9 : le couple fusionne dans la mort qui survient Un soir, et son agonie est décrite dans les vers 10 et 11. La spiritualisation de l'amour immortel Les sensations vont progressivement laisser la place au spirituel (cœurs, vers 6 puis esprits, vers permettant la pérennité des sentiments, même après la mort. Il s'agit là de la vision romantique de l'amour, qui survit à la mort des protagonistes. [...]
[...] En soustrayant le sentiment amoureux à la réalité, à l'ici-bas et au temps, la mort va transcender l'amour. Conclusion La Mort des Amants est l'occasion pour Baudelaire de donner deux images idéalisées de l'amour et de la mort, lui permettant de les rapprocher et même de les unir. Le mythe romantique de la fusion des corps et des cœurs trouve ici son expression dans la mort, simple passage indolore qui débouche ensuite sur un paradis intemporel où l'amour est immortel et peut s'épanouir sans obstacle. [...]
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, La Mort des Amants (CXXI). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
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