Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux : Le pronom personnel initial "nous" qui réapparaît au quatrième vers et encadre la première strophe représente le couple comme unité indissociable, faisant référence au titre et à la notion d' "amants" qui connote l'amour absolu. La conception romantique de la mort comme consécration de l'union du couple est perceptible dans l'ambiguïté qui sous-tend la scène. Le pluriel du mot "lits" évoque un amour sexuel mais l'ambivalence du vocabulaire fait penser aussi au lit du mort. Les "divans" sont comparés à des "tombeaux" (...)
Sommaire
I) Eléments d'introduction
II) Premier Quatrain (vers 1 à 4)
III) Deuxième Quatrain (vers 5 à 8)
IV) Deux tercets (vers 9 à 14)
V) Eléments de conclusion
Poème étudié
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;
Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
[...] Unité encore avec l'emploi des adjectifs possessifs "nos" et de l'adjectif démonstratif "ces miroirs" qui souligne la familiarité, la reconnaissance de l'autre comme sien, comme soi. Accordons une dernière importance au feu. "Les chaleurs" font état d'une ultime communion charnelle avant la mort ; Appartenant au champ lexical de la lumière, de l'éclat, elles soulignent aussi le confort du lieu, l'atmosphère chaleureuse du décor. Les assonances en et récurrentes tout au long du poème, participent à l'évocation de la volupté. [...]
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal "La mort des Amants" Eléments d'introduction : - sonnet inaugural de la cinquième section des Fleurs du Mal consacrée à la mort. Elle est la seule issue possible au terme d'un processus désespéré. Le poète a épuisé le champ des consolations illusoires. - Evocation de la mort partagée avec la femme aimée, non comme une fin mais comme un espoir d'accéder à l'infini et d'y vivre un amour parfait - Vision idéalisée de l'amour. La fusion est rendue possible par une spiritualisation de la relation amoureuse. [...]
[...] Le soir est aussi la tombée du jour, moment privilégié des amants. Si le champ lexical est celui de la tristesse "sanglot", "adieux", la séparation est davantage présentée comme une fusion idéale dans une mort instantanée et simultanée "éclair". De même, la souffrance ne possède pas l'acuité et la violence d'une douleur véritable. Elle est ouatée et presque voluptueuse, suave. Les allitérations en liquides et associées aux nasales qui ouvrent et closent le poème laissent une impression générale de glissement sensuel, dans un univers sans pesanteur. [...]
[...] Baudelaire rejette les "parfums corrompus, riches et triomphants" au profit de parfums "frais", purs et spirituels. L'antithèse entre la légèreté et la profondeur (des divans", entre la subtilité aérienne et la lourdeur terrestre, est le signe d'une réconciliation des deux extrêmes de cette verticalité que sont l'élévation et la chute : la mort qui est déchéance, affaiblissement est envisagée, au contraire, comme accès épuré à l'idéal. Et d'étranges fleurs sur des étagères, Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux. [...]
[...] L'Ange (en grec, messager") est le témoin d'une vie nouvelle. Sa fonction est de redonner vie, un souffle vital "anima" en latin) aux amants "ranimer". La réification que la mort avait imposée aux cœurs et aux esprits, métaphoriquement représentés par les "flammes" et les miroirs", a disparu. La correspondance aux rimes finales des termes "adieux" et "joyeux", qui étonne, convainc le lecteur que l'acceptation de la mort par les amants. Notons que la synecdoque métaphorique "flammes" fait des amants l'essence du sentiment amoureux, alors désincarné. [...]
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