Montesquieu, "Lettres persanes", Lettre XI : analyse

Résumé du document

Montesquieu (1689-1755) est un moraliste et philosophe français du XVIIIe siècle. Caractérisé par une ouverture d'esprit et une faculté d'adaptation peu commune, les philosophes du XVIIIe siècle reconnaîtront en lui leur précurseur. Ses idées lui font défendre la conquête de la raison et de l'esprit de tolérance et, en politique, la séparation des pouvoirs (...)

Extraits

[...] Mais, à peine les eurent-ils élus, qu'ils leur devinrent insupportables, et ils les massacrèrent encore Ce peuple, libre de ce nouveau joug, ne consulta plus que son naturel sauvage ; tous les particuliers convinrent qu'ils n'obéiraient plus à personne ; que chacun veillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres. Cette résolution unanime flattait extrêmement tous les particuliers. Ils disaient : Qu'ai-je affaire d'aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me 25 soucie point ? Je penserai uniquement à moi ; je vivrai heureux. Que m'importe que les autres le soient ? [...]

[...] Deux de ses voisins s'unirent ensemble, le chassèrent de sa maison, occupèrent son champ ; ils firent entre eux une union pour se défendre contre tous ceux qui voudraient l'usurper, et effectivement ils se soutinrent par là pendant plusieurs mois Mais un des deux, ennuyé de partager ce qu'il pouvait avoir tout seul, tua l'autre et devint seul maître du champ. Son empire ne fut pas long : deux autres Troglodytes vinrent l'attaquer ; il se trouva trop faible pour se défendre, et il fut massacré. Un Troglodyte presque tout nu vit de la laine qui était à vendre ; il en demanda le prix. [...]

[...] Vous avez dans l'âme un poison plus mortel que celui dont vous voulez guérir ; vous ne méritez pas d'occuper une place sur la terre, parce que vous n'avez point d'humanité, et que les règles de l'équité vous sont inconnues. Je croirais offenser les Dieux, qui vous punissent, si je m'opposais à la justice de leur colère. S'émut : s'éleva. D'Erzeron, le 3 de la lune de Gemmadi Montesquieu, Lettres persanes, Lettre XI ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Montesquieu (1689-1755) est un moraliste et philosophe français du XVIIIe siècle. Caractérisé par une ouverture d'esprit et une faculté d'adaptation peu commune, les philosophes du XVIIIe siècle reconnaîtront en lui leur précurseur. [...]

[...] Que m'importe que les autres le soient ? (lignes 24 à 26) .une construction en diptyque qui permet de souligner l'opposition et la symétrie de l'histoire de ce peuple pour un résultat identique : c'est l'exemple du peuple des montagnes et de celui des plaines, d'une année de sécheresse et une autre d'inondation (lignes 31 à 40) . - Interventions de l'auteur : Enfin, on peut noter certaines interventions de l'auteur qui donne son avis par une insistance inhabituelle : exterminèrent (ligne Le coup étant fait (ligne 17) II- La leçon de philosophie politique L'instabilité des régimes politiques expérimentés par les Troglodytes L'histoire qui nous est contée s'apparente à celle des romains avec : - l'allusion au despotisme des premiers rois romains : .par des comparaisons animalières suggérant l'absence d'organisation sociale (ressemblaient plus à des bêtes qu'à des hommes, lignes 10-11 ; ils n'étaient point velus comme des ours ; ils ne sifflaient point, lignes 11-12 et qui les compare à des serpents) .par une sorte de royauté qui les traitait sévèrement (ligne 15) - l'allusion au fait que les romains n'ont pas supporté d'avoir des rois étrangers et notamment Tarquin le Superbe, septième et dernier roi (étrusque) de Rome qui, assassiné, fut remplacé par des consuls. [...]

[...] L'absence de formule de politesse se justifie par le fait que cette lettre constitue une réponse à Mirza. - la date de la lettre est fictive : D'Erzeron, le 3 de la lune de Gemmadi Le nom du mois est un nom persan du calendrier rapporté par Chardin dans le Voyage en Perse et aux Indes orientales mais Montesquieu situe ce mois exotique, non pas dans le calendrier musulman, qui débute le 16 juillet 622, mais dans le calendrier chrétien, en sorte, probablement, que le lecteur ne se sente pas trop perdu. [...]