Montesquieu, dans sa lettre CVI adopte le point de vue d'un Persan pour décrire les usages de Paris, procédé qui permet une analyse critique de la société parisienne. Les marques de l'énonciation présentes dans cette lettre fictive sont pour le lecteur un gage d'authenticité. Ainsi pouvons-nous relever en en-tête la formule conventionnelle : "d'Usbek à Rhédi".
Ici, la présence des locuteur et destinataire est explicite et témoigne de la part de l'auteur d'une volonté de pluralité de points de vues quant à leurs voyages respectifs dans les différentes villes d'Europe. L'auteur nous donne également le cadre spatio-temporel et le contexte de l'écriture de cette lettre : Usbek écrit en effet "de Paris, le 14 de la lune de Chalval 1717".
Le lieu choisi n'est pas anodin : en effet, Paris est depuis la Renaissance la capitale d'Europe réputée pour son raffinement. C'est donc intentionnellement que Montesquieu place son Persan à Paris pour développer une réflexion sur les arts et le travail (...)
[...] Il s'agit là d'une peinture lucide de la société de son temps, sous forme de roman épistolaire, par deux Persans voyageant à travers l'Europe. Plus précisément, la lettre CVI d'Usbek à Rhédi évoque le double visage de Paris, ville de tous les plaisirs, mais aussi du travail,où l'intérêt règne en maître. Par quels procédés Montesquieu nous livre-t-il une description lucide de Paris, description qui permet de s'interroger, en filigrane, sur les institutions et d'en remettre en cause le mode de fonctionnement ? A cet égard, nous nous intéresserons à la visée argumentative de la lettre caractérisée par une structure particulière. [...]
[...] C'est dans ce cadre pittoresque et exotique, que Montesquieu se livre à une réflexion philosophique basée sur la raison, à travers le regard d'Usbek, persan qui découvre les usages de Paris, nous livrant une critique implicite sur le fonctionnement des institutions. Toutefois, en montrant l'intérêt des peuples au travail, Montesquieu, esprit révolutionnaire, prépare l'évolution des mentalités, qui atteindra son apogée lors de cette Révolution. On pourrait alors résumer ce texte par une citation latine étroitement liée aux notions abordées dans la lettre ( le superflu et le nécessaire) : Que demande le peuple ? Du pain et des jeux. [...]
[...] Chaque paragraphe se termine ensuite par une conclusion partielle qui permet au lecteur de suivre le cours de la réflexion de l'auteur et qui établit une transition avec le paragraphe suivant. L'argumentation d'Usbek se clôt par une conclusion dans le dernier paragraphe : de tout ceci, on doit conclure, Rhédi Il y a quasiment une mise en abyme de chacun des arguments développés à l'intérieur d'une argumentation générale. A partir de là, on peut dire que cette lettre, très structurée, a bien une visée argumentative dont il convient à présent d'examiner plus précisément quels en sont les composants. [...]
[...] Cependant, Montesquieu ne peut s'empêcher de constater que l'individualisme gagne la nation en même temps que l'attrait du profit. La notion de vertu a disparu pour laisser place à l'intérêt des princes : pour qu'un prince soit puissant, il faut que ses sujets vivent dans les délices En effet, si l'intérêt se charge de gouverner l'Etat, il faut qu'en retour le prince procure à ses sujets toutes sortes de superfluités qui lui permettront d'ailleurs de conserver son pouvoir. Enfin, ce texte est aussi philosophique, puisque Montesquieu nous livre sa pensée sur la notion de plaisir, développée par un individualisme qui s'installe, ce qui prouve le changement de mentalité qui commence à s'effectuer au cours du XVIII ème siècle. [...]
[...] * * * En effet, en mettant en place une intrigue avec des personnages correspondant aux critères de mode de l'époque, c'est-à-dire à l'exotisme des pays orientaux, Montesquieu se sert de ce cadre pittoresque pour le mettre au service d'une réflexion philosophique sur la recherche d'un ordre universel qui serait fondé sur la raison. A partir de là, il se livre à une véritable analyse économique et politique. C'est en effet à un véritable éloge du profit qu'est amené Montesquieu. En effet, Usbek écrit à Rhédi : pour qu'un homme vive délicieusement, il faut que cent autres travaillent sans relâche Il avance la théorie selon laquelle le pouvoir libéral doit encourager ce profit individuel de manière à assurer le luxe, le superflu. [...]
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