Dans un extrait célèbre du chapitre XV de l'esprit des lois, Montesquieu affecte de se faire l'avocat de l'esclavage : la première phrase du texte qui pose une énonciation hypothétique est à cet égard fondamentale. En neuf courts paragraphes successifs et morcelés (comme des articles de loi), l'auteur propose neuf arguments permettant de défendre, en apparence, un position esclavagiste.
Le ton est déterminé, péremptoire, les arguments semblent d'une logique irréfutable : de nombreux liens logiques sont là pour articuler une pensée qui se veut persuasive. Pourtant, une lecture attentive et une réflexion plus approfondie, qui va au-delà de la virtuosité de la démonstration, permet de déceler quelques vices de forme (...)
[...] Il revient au lecteur attentif de comprendre le jeu et de ne pas ne être dupe. La complicité ainsi créée confère au texte une rare efficacité. [...]
[...] Problème de la relativité des goûts. Condamnation de la cupidité des Européens. Second argument théologique : il ne remet pas en cause Dieu et son comportement de créateur, mais le statut de chrétien des esclavagistes. Le raisonnement est simple et faux. C'est encore un syllogisme: A Nous sommes chrétiens : c'est incontestable et tous les hommes sont frères. Pourtant, nous mettons les Noirs en esclavages. c Donc, ce ne sont pas des hommes Se substitue un autre syllogisme : A Les hommes sont des hommes, c'est incontestable. [...]
[...] exterminant évoque un crime monstrueux que les esclavagistes présentent comme une nécessité inévitable. S'en servir : les hommes sont traités comme des objets. Ces arguments n'ont de logique que l'apparence et ceux qui les soutiennent de sang-froid se rendent odieux par leur cynisme. Argument économique : La logique est apparente mais le fond est inacceptable. La relation établie consiste à justifier la nécessité de l'esclavage par le désir d'avoir du sucre à meilleur prix. Or le sucre n'est pas une denrée de première nécessité. [...]
[...] Montesquieu reproche aux esclavagistes de se camoufler »derrière la religion et de s'en faire une véritable protection (argument 4 et ce qui est totalement contraire aux enseignements de l'Evangile. C'est une véritable hypocrisie qui est dénoncée de cette façon en même temps que le cynisme qui l'accompagne. Montesquieu dénonce le détournement de la religion au service des intérêts et des passions. L'appel à la culture et au confort intellectuel. L'exemple des Asiatiques et des Egyptiens relève d'une démarche de pensée qui s'appuie sur des références données comme sûres parce qu'étrangères ou éloignées dans le temps. [...]
[...] Argument politique : Il est l'un des plus cyniques. Il repose encore une fois sur un décalage ironique : accorder de l'importance aux princes et à leurs décisions tout en soulignant le peu d'intérêt de ces mêmes décisions qui font entre eux tant e conventions inutiles De cette façon' si les princes n'ont pas décider d'aborder entre eux le problème de l'esclavage, c'est que l'esclavage n'est pas un problème important. Les petits esprits désignent par antiphrase les philosophes. Chacun de ces arguments repose sur un raisonnement vicié qui se révèle inacceptable, incohérent, perverti, inopérant mais en même temps chacun d'entre eux montre les moyens utilisés par les esclavagistes pour défendre l'esclavage : la mauvaise foi domine , mais les déviations intellectuelles sont nombreuses et graves. [...]
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