Montaigne, "Les Essais", Livre III, Chapitre 6 : explication de texte

Résumé du document

Le genre de l'essai est une forme d'écriture très libre. Montaigne ne cherche pas à se faire le porte-parole du savoir ; il propose, au gré de son humeur et de ses préoccupations, les réflexions et les choix moraux que lui inspirent divers problèmes. Dans son oeuvre Les Essais, il met à l'épreuve son expérience et ses jugements. En effet, dans la première moitié du XVIème siècle, rares sont les auteurs qui prennent conscience des découvertes géographiques et qui parviennent à en tirer des conclusions morales et philosophiques. Montaigne s'élève avec vigueur contre la colonisation qui se met en place de l'autre côté de l'océan.

Extraits

[...] L'auteur constate toutes ces qualités que n'avaient pas les conquérants, car s'ils avaient possédé la pureté de ces Indiens, ils n'auraient jamais conquis ce nouveau monde et c'est ce que nous distinguons dans l'expression : il nous a bien servy de n'en avoir pas tant qu'eux (l.19). Cette accumulation prouve une grande admiration de la part de Montaigne. Les cannibales qui le peuplent sont sauvages au sens où ils sont naturels : ils ont gardé leur naïveté originelle, et leur société constitue un âge d'or. Pour Montaigne, qui préfère la morale pratique à la philosophie, l'homme est bon tant qu'il suit la Nature, et il ne devait jamais s'en écarter. Les civilisations occidentales, qui dominent le monde, montrent que le progrès s'accompagne de corruption. [...]

[...] Personne ne peut rivaliser avec eux. Montaigne s'est cherché lui-même, à travers ses lectures et l'épreuve de son temps : les guerres de religion, l'exploitation du continent américain ; brossant en même temps le portrait de l' humaine condition Son œuvre Les Essais montre comment un homme met en pratiques les idées humanistes dans sa vie comme dans son œuvre. En condamnant le colonialisme, Montaigne illustre les humanistes qui, avec la découverte de peuples nouveaux et différents qui remet en cause la place des européens dans le monde. [...]

[...] Cependant, le titre du chapitre peut sembler étonnant, au regard de ce qu'il aborde. Celui-ci doit donc à la fois tenir de l'énigme et de fonction protectrice. Car effectivement, Montaigne l'avoue : Les noms de mes chapitres n'en embrassent pas toujours toute la matière (III De la vanité Toutefois, nous pouvons remarquer que Montaigne prolonge d'une certaine façon l'éloge de la Nature présent dans le chapitre précédant Sur des vers de Virgile qui célèbre les plaisirs de l'amour et de la sexualité. [...]

[...] Montaigne met en cause le principe même de domination culturelle qui motive les conquérants : non seulement les indiens témoignent de grandes qualités naturelles, telles que la vaillance et la fraternité, non seulement ils ignorent la trahison, la luxure et l'avarice, évoqués tout au long du chapitre Des Coches mais leur culture est riche et pleine de splendeur : la beauté de leurs ouvrages en pierreries, en plume, en cotton, en la peinture, montrent qu'ils ne nous cedoient non plus en l'industrie (l.17-18). Les indiens sont de fins orfèvres, ils savent tailler les pierres précieuses et travailler des matériaux divers tels que la plume et le coton. Ainsi Montaigne définit la civilisation par des valeurs morales mais aussi par des valeurs matérielles : la colonisation se trouve dès lors parfaitement injustifiée. Montaigne a recours à la figure de gradation ; il s'en sert parce qu'il sait que ses lecteurs n'ont qu'une faible idée de la civilisation indienne. [...]

[...] Enfin, pour la première fois depuis le début du texte, nous remarquons l'utilisation du pronom personnel je (l.8). Montaigne, en effet, s'inquiète du déclin futur de l'Ancien Monde, fort bien hâté (l.8) par l'européen, et qui arrivera prématurément à cause de la contagion (l.9). Car effectivement, les occidentaux lui ont fait payer bien cher leurs idées et leurs techniques. Le troisième mouvement évoque l'apologie du nouveau monde. Tout d'abord, Montaigne s'en prend à la cruauté des Espagnols dans les Indes occidentales. [...]