Au XVIème siècle, Rabelais la reprendra dans le « Tiers-Livre », chapitre 24 : « La mocquerie est telle que la montagne d'Horace, laquelle crioyt et lamentoyt énormément comme femme en travail d'enfant. A son cris et lamentation accourut tout le voisinage, en expectation de veoir quelque admirable et monstrueux enfantement ; mais enfin ne nasquit d'elle qu'une petite souris. »
C'est avec ironie et une remarquable concision que La Fontaine reprendra le traité en vers d'Horace à l'égard du poète qui annonce un sujet grandiloquent et qui ne produit qu'une oeuvre médiocre.
I-L'art du récit et de la versification
Comme il le suggérait dans la fable "Démocrite et les Abdéritains", La Fontaine cultive ici l'art de dire l'essentiel en quelques mots dans un récit extrêmement bref, vif et plaisant.
a- L'art du récit
La fable se présente sous forme de deux strophes :
- vers 1 à 6 : sizain composé d'octosyllabes. La Fontaine y expose l'exemplum, utilisant l'imparfait pour décrire une action durable (Jetait une clameur, vers 2) et le passé simple pour la brièveté (Elle accoucha d'une souris, vers 6).
L'auteur joue avec les sonorités et les mots pour les rapprocher et donner du rythme à son récit avec :
- une allitération en [k] qui parcourt la strophe (clameur, vers 2 ; Que, chacun et accourant, vers 3 ; Crut et accoucherait, vers 4 ; accoucha, vers 6)
- la paronomase accourant / accoucherait (vers 3-4), et ce d'autant que le verbe est un verbe d'action.
Il rend la montagne symbolique par de nombreuses personnifications :
- dès le titre par la majuscule (La Montagne)
- en la présentant avec des caractéristiques humaines (...)
[...] Ce recours à la métaphore animalière lui permet de dénoncer les vices de son époque, c'est-à-dire sous le règne du monarque absolu Louis XIV. La fable 10 du Livre La Montagne qui accouche, fait partie de ce recueil et, paradoxalement, le bestiaire habituel y est quelque peu absent. Passée dans le langage courant sous la forme de l'expression La montagne qui accouche d'une souris elle se dit par raillerie des résultats décevants, dérisoires d'une entreprise, d'un ambitieux projet. C'est Horace dans son Art poétique qui, vers l'an 14 avant J.-C., a été l'inspirateur de cette fable. [...]
[...] une insistance sur son bruit fort (une clameur si haute, vers 2 ; au bruit, vers 3). Enfin, un certain humour émaille le récit : .comme nous venons de le voir, les caractéristiques humaines de la montagne .le fruit de l'accouchement, une souris .l'hyperbole qui utilise l'expression D'une cité plus grosse que Paris (vers pour désigner une souris (vers 6). La Fontaine souhaite frapper l'esprit du lecteur en insistant sur la petitesse de ce qu'elle a mis au monde. - vers 7 à 14 : septain composé de vers de métrique variable. [...]
[...] - ceci se trouve résumé par l'expression du premier hémistiche de l'alexandrin suivant : C'est promettre beaucoup. Un dernier vers explicite Le dernier vers de la fable permet de comprendre le lien entre les deux strophes : Du vent, s'opposant aux termes du style direct de l'auteur (vers 10) : la guerre, les Titans, Maître du tonnerre, et qui renvoie à l'hyperbole conclusive de la première strophe (Elle accoucha d'une souris). Ainsi, la montagne et l'auteur font bien trop de bruit pour pas grand- chose ! [...]
[...] La Montagne qui accouche Recueil : parution en 1668. Livre : V. Fable : 10, composée de 14 vers. Une Montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute Que chacun, au bruit accourant, Crut qu'elle accoucherait sans faute 5 D'une cité plus grosse que Paris. Elle accoucha d'une souris. Quand je songe à cette fable, Dont le récit est menteur Et le sens est véritable Je me figure un auteur Qui dit : Je chanterai la guerre Que firent les Titans au Maître du tonnerre. [...]
[...] On constate un changement fréquent (alexandrins, hepta- et octosyllabes et même dissyllabique) opéré entre les vers qui sont parfois courts, voire très courts. L'ironie de La Fontaine apparaît lors de la rupture conclusive qui souligne l'assimilation de l'annonce d'un sujet prétentieux à une œuvre finalement médiocre par un passage de l'alexandrin régulier (qui permet d'entendre un balancement régulier d'autant plus judicieux qu'il rend encore plus marqué le vers suivant) à un vers dissyllabique : C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture