Bossuet, l'aigle de Meaux, homme d'église, dénonçait le théâtre car il avait pressenti les dangers des pouvoirs mimétiques de ce dernier : représenter les passions sur scène, c'est les exciter chez les spectateurs ; susciter le rire, c'est faire appel aux plus bas instincts de l'homme, le rire étant un signe distinctif de Satan. Toutefois, l'évêque tolérait ces dangers lorsque ces derniers avaient une portée didactique et il préférait l'auteur du Misanthrope à celui des Fourberies de Scapin. Le rire doit avoir une valeur d'enseignement et il doit "corriger les vices de l'homme". Toutefois "corriger les hommes" est une affaire délicate et Molière a eu bien des ennuis avec ses contemporains (...)
[...] ; mais il subit lui-même ce rapport de domination : il se tait quand son maître menace et obéit en gémissant de sa complaisance ; II ; II,5 ; IV ; IV, 5). Et là encore, Don Juan n'hésite pas à abuser de son pouvoir, exposant son valet à sa place (en prenant ses habits, en l'envoyant répondre à la statue . ) sans le moindre scrupule. Le discours moralisateur de Molière se manifeste essentiellement, aussi, dans l'évidence de la présence de la mort qui, en un contraste saisissant, consacre l'échec de celui qui a «parié» sur le paraître et l'éphémère des biens de ce monde. [...]
[...] Sur scène aussi, un des vices sociaux et moraux qui révolte et inquiète le plus, sera donné à voir: l'hypocrisie en matière religieuse. Don Juan affirme à cet égard à son valet: Il n'y a plus honte maintenant à cela: l'hypocrisie est un vice à la mode le personnage devient alors le porte-parole de son auteur qui, comme dans la comédie antique, s'adresse aux spectateurs, plus qu'il s'adresse à son valet trop simple pour entendre un pareil langage. La tirade a d'ailleurs un style différent qui fait penser à La Bruyère. [...]
[...] En ce qui concerne les valets, si Gusman est le reflet de sa maîtresse et adopte un langage de moraliste peu différent de celui d'un Don Louis ou d'un Don Carlos chastes feux de Donne Elvire . un homme de sa qualité . les saints nœuds du mariage . ; en revanche les liens de Sganarelle avec Don Juan sont beaucoup plus complexes, relevant tantôt de la complicité, tantôt de la servilité. Il condamne son maître en paroles ; II, mais il l'imite souvent en acte, en particulier lorsque Don Juan rend manifeste des rapports de domination: avec M. Dimanche, ou avec le Pauvre. Il va parfois même jusqu'à l'identification complète, avec M. [...]
[...] Molière, au nom de la nature et de la vérité, se révolte contre la corruption de l'époque : l'imposture, toujours respectée. Un autre exemple est celui de l'acte scène 3 où Don Juan réaffirme son goût de la parade, son ostentation d'habileté dans l'utilisation de la casuistique des jésuites pour refuser le mariage avec Elvire : «j'ai entendu une voix qui m'a dit que je ne devais point songer à votre sœur, et qu'avec elle assurément je ne ferais point mon salut» et pour, tout en affirmant son courage ne manque pas de cœur»), se défendre de l'idée du duel qu'il envisage pourtant en prétendant que son issue ne dépendra pas de lui : vous m'attaquez, nous verrons ce qui en arrivera» (ce trait serait emprunté de Pascal). [...]
[...] Molière fournit le comique par le simple effet du choc de la nature du valet contre celle de son maître. Pour Don Juan, l‘art des médecins est «pure grimace», c'est-à-dire, au sens pascalien, apparence mensongère. En fait, au temps de Molière, la médecine tenait Hippocrate et Galien pour divins, elle avait fait de leurs idées une doctrine et n'admettait ni observation, ni expérimentation, ni vérification : Mauvillain, médecin de Molière, fut deux fois exclu de la Faculté parce qu'il avait osé avoir des idées nouvelles. [...]
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