Le mystère Frontenac, paru en 1933, occupe une place à part dans les romans de François Mauriac, en ce que l'autobiographie y joue un rôle plus grand qu'ailleurs. "C'est un chapitre de mes souvenirs, tout y est vrai" nous dit l'auteur dans la préface. Ces souvenirs sont, comme l'ont fait remarquer certains critiques, "imprégnés" de l'essence du domaine. Ce dernier a un rôle prépondérant dans Le mystère Frontenac ; c'est peut-être, en fait, lui, le véritable héros de ce roman... mais il convient, tout d'abord, de s'interroger sur les notions que recouvrent ce terme de "domaine" dans Le mystère Frontenac . Dans un deuxième temps, nous étudierons alors le domaine en tant que partie intrinsèque du roman. Puis, dans un troisième temps, nous verrons ce qu'il représente dans le roman, et aux yeux de Mauriac, sans oublier que c'est cette terre qui donne, au roman, cette enveloppe charnelle, cet élan poétique qui se dégage de toute l'oeuvre de Mauriac.
[...] Ainsi, le domaine est au centre même du roman. La propriété de Bourideys voit le retour, à chaque vacance, des membres d'une même famille. C'est elle qui est la source de ce “mystère”. Le domaine est le centre des préoccupations de Xavier : le patrimoine devait revenir aux enfants de Michel, c'était voler les Frontenac, estimait-il que d'en distraire un sou ( p 32) et , c'est à lui que les pensées de chacun reviennent : Jean- Louis fut distrait par la vue de cette barrière démolie: un obstacle qu'il avait fait établir en août pour exercer sa jument Tempête. [...]
[...] C'est ainsi que le domaine inspire, aux personnages des romans mauraciens, divers sentiments : la révolte envers les intrus, tels Dussol, ou encore, la passion. Mais cette passion est de deux ordres relativement opposés: il y d'abord, la catégorie des personnages éprouvant pour la terre une passion charnelle, plus encore, ils l'idolâtrent, lui vouant un véritable culte; Mauriac va jusqu'à leur prêter cette faim quasi-physique de la terre, cette "boulimie" comme il la nomme. Ce sont généralement de grands bourgeois terriens comme Louis le héros du Nœud de vipères. [...]
[...] . De ce fait, la terre, le domaine est le lieu du souvenir, tristes souvenirs pour Yves comme la mort de sa mère: Il voyait . cet endroit où il avait rencontré sa mère. Elle avait jeté sur sa robe d'apparat, le châle violet rapporté de Salies. Elle avait recouvert Yves de ce châle, parce qu'elle l'avait senti frémir. -maman - gémit-il - maman . Mais la terre ne cristallise pas que des souvenirs tristes. [...]
[...] Un simple recensement des mots clés du thème montre que celui de “propriété” est celui qui revient le plus souvent, avec le mot (source aussi de richesse) : “vente des propriétés”, “droit de propriété”, “prix de la propriété”, “hypothèque des propriétés”, autant d'expressions que l'on relève fréquemment chez Mauriac. Objet matériel, la terre est une source de profit. Il est un passage essentiel du mystère Frontenac pour saisir cet aspect de la terre : Blanche, la mère de Jean-Louis et Yves Frontenac, vient de mourir. La famille est réunie chez le notaire et ce dernier énonce sa “sentence”, son “jugement” sur la défunte : Elle n'aimait pas la terre pour elle-même. [...]
[...] ) “Quoi qu'il arrive, ne vendez jamais” ce fut toujours une de leurs dernières paroles. On s'arrangeait pour ne pas la vendre et pour que les propriétés d'un seul tenant gardent leur unité plus loin, Aujourd'hui, l'alliance est dénoncée. Il y aura un jour, dans une étude de campagne, cette affiche rose fixée au mur par quatre punaises: vente d'une propriété, vignoble, maison de maître, vastes communs . Et bien plus tard, un jour, un vieil homme s'arrêtera au portail tenant un enfant par la main . [...]
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