Guy de Maupassant (1850-1893) est un romancier qui a côtoyé les naturalistes. Il publie en 1883 Une Vie, une oeuvre qui narre les désillusions d'une femme mal mariée.
Dans ce passage du chapitre VII, Jeanne, qui est installée avec son mari Julien dans la propriété des « Peuples » au bord de la côte normande, découvre une nuit d'hiver Rosalie, sa servante et sa soeur de lait, dans le lit de celui-ci.
Cette nouvelle désillusion lui fait perdre la raison et la pousse à s'enfuir. Ainsi ce passage relate un moment de folie dramatique, qui aurait pu être fatal, et nous montre une héroïne pathétique (...)
[...] sa vie était cassée, toute joie finie, toute attente impossible, et l'épouvantable avenir plein de tortures, de trahisons et de désespoir lui apparut. Autant mourir, ce serait fini tout de suite. Mais une voix criait au loin : C'est ici, voilà ses pas ; vite, vite, par ici! C'était Julien qui la cherchait. Oh! elle ne voulait pas le revoir. Dans l'abîme, là, devant elle, elle entendait maintenant un petit bruit, le vague glissement de la mer sur les roches. [...]
[...] Quant à Julien, il se fait chasseur : C'est ici, voilà ses pas . la fuite éperdue et la torpeur : Si les quatre premiers paragraphes insistent sur sa fuite et la nécessité pour elle de s'éloigner de Julien, avec de nombreux verbes de mouvement, les lignes suivantes insistent au contraire sur son immobilité : elle s'arrêta net ; elle demeura là longtemps ; elle ne se sauva plus L'auteur marque particulièrement la perte de sa raison : sans savoir, sans réfléchir à rien vide de toute pensée et de toute volonté», inerte d'esprit comme de corps Bien que toute découverte dans la neige, la nuit et le froid, elle ne sent plus rien Elle est au bord de la folie. [...]
[...] l'a écartée aussitôt de ce sombre dessein, et ce n'est pas étonnant, car ce qui caractérise le personnage de Jeanne dans tout le roman, c'est la bonté. Elle peut souffrir, mais elle ne peut pas faire souffrir. Bien qu'elle ait la conscience d'un épouvantable avenir plein de tortures hyperbole, d'une vie cassée qui pourrait être le titre du roman, la prolepse de l'avant dernier paragraphe imaginant la douleur des parents ayant perdu leur fille lui est insupportable. Alors elle se résigne, comme toujours, elle subira. L'opposition elle se dressa elle retomba confirme sa résignation. [...]
[...] Guy de Maupassant (1850-1893), Une Vie chapitre VII, extrait. Non, elle ne voulait pas écouter ni se laisser toucher du bout des doigts ; et elle se jeta dans la salle à manger courant comme devant un assassin. Elle cherchait une issue, une cachette, un coin noir, un moyen de l'éviter. Elle se blottit sous la table. Mais déjà il ouvrait la porte, sa lumière à la main répétant toujours : Jeanne! et elle repartit comme un lièvre, s'élança dans la cuisine, en fit deux fois le tour à la façon d'une bête acculée ; et, comme il la rejoignait encore, elle ouvrit brusquement la porte du jardin et s'élança dans la campagne. [...]
[...] Un important champ lexical du corps confirme cela. la souffrance morale : la connaissance lui revint brusquement note Maupassant, avec la sensibilité. Mais c'est pour exprimer son désespoir. L'analepse des visions anciennes tous ces souvenirs énumérés la font souffrir. La répétition de Maintenant marque l'opposition cruelle entre l'exaltation de leur amour naissant et la désillusion du mariage. Les exclamations traduisent le dépit de Jeanne, et le discours indirect libre son désespoir : Autant mourir, ce serait fini tout de suite. [...]
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