Guy de Maupassant, "Une vie" : commentaire d'un extrait

Résumé du document

A. Romantisme et clichés

- L'extrait donne à voir un catalogue, un inventaire presque de clichés romantiques.
- Le motif de la jeune fille à la fenêtre rêvant d'amour, idéalisant l'homme aimé sous les traits d'un prince charmant en est déjà un.
- La projection que Jeanne fait de son avenir repose sur une série de clichés, de stéréotypes romanesques bien loin du réel.
- Ainsi, le personnage a une vision très idyllique de l'amour. Tout n'est qu' « affection indescriptible », « amour », « passion », « tendresse », « calme ». Point d'orages, de tensions, de heurts. La seule difficulté apparente n'est pas de construire un couple et de le faire durer mais de trouver l'autre, ce fameux « lui » (lignes 3 et 5). La construction restrictive de la ligne 3 le souligne : « elle n'avait plus qu'à le rencontrer ». Voilà donc la seule difficulté (...)

Extraits

[...] - Le motif de la jeune fille à la fenêtre rêvant d'amour, idéalisant l'homme aimé sous les traits d'un prince charmant en est déjà un. - La projection que Jeanne fait de son avenir repose sur une série de clichés, de stéréotypes romanesques bien loin du réel. - Ainsi, le personnage a une vision très idyllique de l'amour. Tout n'est qu' affection indescriptible amour passion tendresse calme Point d'orages, de tensions, de heurts. La seule difficulté apparente n'est pas de construire un couple et de le faire durer mais de trouver l'autre, ce fameux lui (lignes 3 et 5). [...]

[...] Lorsqu'il fut passé, elle se sentit triste comme après une déception. Mais elle comprit l'exaltation de son espoir et sourit à sa démence. Alors, un peu calmée, elle laissa flotter son esprit au courant d'une rêverie plus raisonnable, cherchant à pénétrer l'avenir, échafaudant son existence. Avec lui elle vivrait ici, dans ce calme château qui dominait la mer. Elle aurait sans doute deux enfants, un fils pour lui, une fille pour elle. Et elle les voyait courant sur l'herbe, entre le platane et le tilleul, tandis que le père et la mère les suivraient d'un œil ravi, en échangeant par-dessus leurs têtes des regards pleins de passion. [...]

[...] Une nouvelle vie commence comme un nouveau jour se lève. La dernière exclamation ressemble même à un hypallage avec cette association le lever de ses espérances (c'est en fait, bien évidemment, le soleil qui se lève). - Cette rêverie est mise en scène donc dans un cadre plaisant et tous les éléments de ce décor concourent, favorisent cette sublimation affective. - La vue est sollicitée avec cette lune ces étoiles (ligne le ciel la montagne de nuages les arbres, les plaines, l'océan l' espace rayonnant l'immense globe flamboyant , le soleil tout comme le sens de l'ouïe avec ce coq qui chant[e] avec ses comparses de leurs voix enrouées ou encore le petit cri d'oiseau et autres gazouillements timides qui deviennent vite vibrants et joyeux - Bien évidemment, l'auteur use et abuse des poncifs romantiques. [...]

[...] Elle serra ses bras contre sa poitrine, d'un mouvement inconscient, comme pour étreindre son rêve ; et, sur sa lèvre tendue vers l'inconnu, quelque chose passa qui la fit presque défaillir, comme si l'haleine du printemps lui eût donné un baiser d'amour. Tout à coup, là-bas, derrière le château, sur la route, elle entendit marcher dans la nuit. Et dans un élan de son âme affolée, dans un transport de foi à l'impossible, aux hasards providentiels, aux pressentiments divins, aux romanesques combinaisons du sort, elle pensa : Si c'était lui ? Elle écoutait anxieusement le pas rythmé du marcheur, sûre qu'il allait s'arrêter à la grille pour demander l'hospitalité. [...]

[...] - Ce personnage a priori charmant est pourtant particulièrement naïf. Le lecteur sent d'ores et déjà poindre la désillusion. Maupassant met tout en œuvre pour qu'il ne passe pas à côté. Il présente Jeanne comme une jeune fille qui se languit du réel, qui joue à l'héroïne de roman (la belle dame prisonnière du château qui attend son prince qui viendra la délivrer) en espérant que sa vie sera comme celles des romans : aux romanesques combinaisons du sort (ligne 20). [...]