Roman-mémoire où le lecteur peut suivre les confidences d'une femme qui se retourne sur sa trajectoire existentielle en invoquant ses illusions d'antan et ses souvenirs, La vie de Marianne est un long récit où s'enchevêtrent d'innombrables incidents relatés par une plume ambiguë qui balance entre narration pure et pauses réflexives. Marianne, à la recherche de son identité comme de sa place au sein d'une société auprès de laquelle elle doit sans cesse se justifier de ne point connaître ses origines, fait face à des interlocuteurs aux intentions variables, charitables, attentionnées ou s'égarant dans des considérations plus hasardeuses et malsaines (...)
[...] Contrairement à quelqu'un qui aurait connaissance de faits précis et qui les déformerait en les racontant, Marianne, elle, raconte une histoire qu'on lui à préalablement racontée, sans être sure de sa véracité. Si ce n'est donc pas Marianne elle-même qui doit porter la certitude de son histoire personne ne peut lui apporter un récit véritable qui mettrait un point final à son ignorance. Nous assistons donc à une sorte de mythologie de soi, où, l'histoire passée, puisque non connue, est dite et déformée par la transmission orale et par les évènements qui entrecoupent les divers moments de sa narration. [...]
[...] Que celle-ci émane de conventions sociales (on pense au passage où Marianne est démasquée face à Melle de Fare par Mme Dutour, ce qui l'oblige à se dévoiler) ou encore de préoccupations intimes (les prémisses de sa relation avec Valville) cette notion de nécessite sous- entend la mise en place de stratégies. Lorsque Marianne rencontre Mme de Miran qui deviendra sa mère d'adoption on voit se déployer toute une rhétorique du pathétique et de l'émotion. L'affect occupe alors une très grande place dans le discours. L'argument sensible (l'absence de famille) recouvre en quelque sorte l'argument financer (le manque d'argent). [...]
[...] Esthétique et formes de la littérature Rococo : L'histoire de Marianne se dédouble grosso modo dans celle de Tervire, le contenant se réfléchit dans le contenu en un effet de miroir qui constitue une authentique mise en abyme Enfin, si Tervire met son amie en garde contre les difficultés de la vie monacale, on apprend qu'elle- même a jadis été avertie de la même façon pour une religieuse dont elle rapporte les paroles. Le reflet se plonge en un autre, plus schématique qu'il ne l'est lui-même et surtout que la première image dans laquelle leur ensemble s'incorpore. [...]
[...] Quand je voulais avoir un air fripon, j'avais un maintien et une parure qui faisait mon affaire ; le lendemain on me retrouvait avec des grâces tendres ; ensuite j'étais une beauté modeste, sérieuse, nonchalante. Je fixais l'homme le plus volage ; je dupais son inconstance, parce que tous les jours je lui renouvelais sa maîtresse Nous voyons donc ici que la construction du récit passe non seulement par la question des sentiments mais aussi par celle de l'attitude du corps. Comme éprise de parure, Marianne, à travers ses gestes décidés ou involontaires laisse deviner bien des choses. [...]
[...] Ainsi, les commentaires rédigés à posteriori par la Marianne narratrice, les pauses réflexives qui jalonnent le récit, le procédé d'attente qui retarde les aveux ou encore le fait de repousser le récit (histoire de la religieuse) sont autant de procédés qui engendrent une sorte de remodelage de la réalité. En effet, nous pouvons nous questionner sur les conséquences ces non-dits, ou plutôt, sur leur finalité. En accumulant les récits contradictoires ou complémentaires de son histoire, on observe que Marianne donne naissance à une nouvelle image d'elle-même. D'ailleurs, devons-nous dire une nouvelle image d'elle ou une image d'elle tout court ? [...]
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