Les écrivains du XVIIIe siècle trouvent dans le roman un genre neuf propre à distraire le lecteur mais aussi à diffuser leurs idées. Ils peuvent rendre compte de l'ascension sociale des personnages et y décrire en toile de fond la société que les philosophes veulent transformer. Marivaux s'est essayé à ce genre, d'abord avec Le Paysan parvenu, puis avec La Vie de Marianne, roman inachevé composé de onze parties écrites par l'auteur à partir de 1728. Le grand succès de ce roman doit être attribué en partie à la conformité parfaite entre l'auteur, son siècle, ses personnages et ses lecteurs. Ces derniers ont aimé suivre, dans la vie, une jeune orpheline partie de la condition la plus humble, et les rudes épreuves qu'elle a dû affronter avant de parvenir à la considération et à la fortune, même si les conditions en demeurent inconnues du fait de l'inachèvement du roman.
(...) Cette première partie sert à créer l'illusion du réel en :
- crédibilisant l'apparition du personnage
Marivaux va ainsi utiliser les précisions spatio-temporelles de la découverte du manuscrit, chronologie appuyée par la mention du lieu ("une maison de campagne à quelques lieues de
Rennes", lignes 3-4 ; "dans une armoire pratiquée dans l'enfoncement d'un mur", ligne 6) et des dates ("Il y a six mois", ligne 3 ; "depuis trente ans", ligne 4 ; "il y a quarante ans", ligne 11).
Dès le préambule, le fait que l'écrivain disparaisse complètement de son oeuvre pour laisser Marianne ajoute encore à l'illusion et contribue indéniablement à l'entretenir dans l'esprit du lecteur.
- créant un effet d'attente
En effet, le préambule présente le personnage de manière progressive et retardée. Il n'est mentionné qu'à la fin : "Marianne" (ligne 19). Ce mystère sur son identité suscite la curiosité du lecteur malgré le faible nombre de détails (...)
[...] Cette découverte ressemble à celle d'un trésor caché, comme dans un roman . l'incertitude de la date de naissance du manuscrit (Nous voyons par la date que nous avons trouvée à la fin du manuscrit, qu'il y a quarante ans qu'il est écrit, lignes 10-11) .la mention de l'impression (il fallait le faire imprimer, ligne .le changement de nom de deux personnes, conférant à l'extrait la notion de mystère habituelle au roman (nous avons changé le nom de deux personnes dont il est parlé, ligne 12). [...]
[...] Le lecteur est ici en présence d'un prologue qui laisse croire que le roman est en fait l'édition d'une correspondance réelle. Marivaux laisse blanc le nom de la destinataire de Marianne, comme par volonté de préserver l'anonymat d'une personne réelle. Au service d'une réflexion sur les apparences et d'une critique de la société Sous l'apparence d'un récit autobiographique, ce début de roman se met au service d'une réflexion morale et philosophique sur les apparences. L'héroïne apparaît comme une femme des Lumières dont le regard ironique suggère une critique de la société. [...]
[...] Avant que de donner cette histoire au public, il faut lui apprendre comment je l'ai trouvée. Il y a six mois que j'achetai une maison de campagne à quelques lieues de Rennes, qui, depuis trente ans, a passé successivement entre les mains de cinq ou six 5 personnes. J'ai voulu faire changer quelque chose à la disposition du premier appartement, et dans une armoire pratiquée dans l'enfoncement d'un mur, on y a trouvé un manuscrit en plusieurs cahiers contenant l'histoire qu'on va lire, et le tout d'une écriture de femme. [...]
[...] Marianne semble même féministe : elle fait peu de cas de la perspicacité des hommes, parle de leur duperie, eux qui, sensibles à l'apparence d'une jolie femme, ne savent plus apprécier la valeur de ses propos (Nous autres jolies femmes . les hommes ne savent plus alors la valeur de ce que nous disons, lignes 28-30). Conclusion Conforme aux caractéristiques habituelles d'un début de roman, cet incipit informe sur les circonstances et le personnage principal et, en même temps, suscite la curiosité du lecteur. Mais sa dualité en fait un début original : à la fois récit, portrait et argumentation, le jeu de l'auteur entre réalité et fiction crée l'illusion du réel tout en montrant les conventions de tout roman. [...]
[...] Ici commence le récit de Marianne. Maladie qui couvre le visage de pustules. Bavarde. Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, La Vie de Marianne ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Journaliste, auteur dramatique et romancier français, Marivaux (1688 1763) était considéré comme un brillant moraliste jusqu'à ce que, ruiné par la banqueroute de Law en 1720, il trouve sa voie dans le théâtre qui l'amènera à être considéré comme le maître français du masque et du mensonge. Les écrivains du XVIIIe siècle trouvent dans le roman un genre neuf propre à distraire le lecteur mais aussi à diffuser leurs idées. [...]
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