Dans cette pièce, on observe un étonnement changement de rôle entre les maîtres et valets. Ce commentaire composé étudie plus particulièrement la scène 6 où deux "anciens esclaves" qui se retrouvent dorénavant au titre de "maîtres", ont une conversation que l'on interprétera comme une parodie de scène galante.
[...] Enfin les transports, signes de la passion, tentent de forcer, dans le combat amoureux, la résistance de l'aimée, qui renâcle à engager sa parole, gage de constance faut-il vous dire qu'on vous aime? L'apparition des modalités exclamative et interrogative souligne le caractère extrême de cette étape. Joué par les valets, ce code paraît drôle. Il se peut d'ailleurs qu'Arlequin et Cléanthis, chacun à sa façon, poursuivent le même but:se moquer de leurs maîtres. La première interruption d'Arlequin raillerait la prétention au raffinement des mots. [...]
[...] Quelle place le discours laisse-t-il aux sentiments ? Le vestige des contradictions saisit le spectateur lorsque Cléanthis s'exclame: Laissez-moi, je ne veut point d'affaires l'amour n'est-il qu'un divertissement ? Ces questions ne sont pas propres aux maîtres; mais la représentation leur permet de voir d'un autre oeil leur conduite. Dès le début, les dix pas imposés par Arlequin séparent les acteurs des spectateurs. Cette mise en abyme montre le rôle social du théâtre. Le public est invité à observer et à réfléchir, tout comme Iphicrate et Euphrosine. [...]
[...] L'île des esclaves est une comédie dont le thème est social et philosophique. Dans une île imaginaire gouvernée par un puissant maître des cérémonies, Trivelin, les maîtres et les valets échangent leurs rôles, afin de corriger la brutalité des premiers et de leur donner une leçon d'humanité Cléanthis et Arlequin ont décidé de jouer une scène d'amour à la façon des maîtres. Le comique naît de la parodie d'une pratique amoureuse très raffinée, empreinte de préciosité. Le dialogue amoureux, en passant des maîtres aux valets, perd en efficacité, par la faute d'Arlequin. [...]
[...] Ce rôle est souligné par la longueur de ses répliques, le mode impératif, la répétition du verbe dire conjugué à la seconde personne vous me dites des douceurs vous m'allez dire dites, Monsieur, dites qui limite l'intervention de son partenaire. De plus,Cléanthis accélère le déroulement de la relation, comme le montre l'impatient mais finissons, en voilà assez, je vous dispense des compliments peut-être cette étape lui semble- t-elle par ailleurs superflue, si l'on estime que les valets, sous le masque de leur maître, entretiennent un véritable dialogue amoureux. L'amour précieux se fonde sur une culture des sentiments, dans un cadre privilégié remarquez-vous, madame, la clarté du jour ? [...]
[...] Sans spectateurs, réduits à la passivité, Iphicrate et Euphrosine ont l'impression de ne plus exister. La visée de la pièce est au fond plus morale que politique, chacun retrouvant finalement sa condition de départ. Les valets représentent mal l'amour des maîtres, parce qu'il ne leur convient pas. Cependant la satire donne aux maîtres une leçon d'humilité : toute société se fonde sur des représentations, qui varient en fonction de la classe sociale. Toutes les conditions se valent devant l'illusion. Le théâtre est ainsi facteur d'égalité. [...]
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