En 1913, les tensions se multiplient entre la France et l'Allemagne. En France, le service militaire est porté à trois ans ; en Allemagne, on réarme, et l'empereur Guillaume II déclare que la guerre est inévitable. Sur le plan artistique, les peintres continuent leurs recherches sur le cubisme (Picasso et Braque, particulièrement) : les peintres cubistes représentent des volumes, perçus de différents points de vue, sur un même plan ; c'est également le début des collages (Braque, Picasso encore ). Les écrivains et les peintres férus de modernité se fréquentent à Montmartre, dans le mythique Bateau-Lavoir, sous la houlette de Picasso, installé là depuis 1904. Les peintres illustrent les poèmes, les gens de lettres soutiennent leurs amis peintres dans différentes revues.
C'est là qu'Apollinaire, né en 1880, parfait son éducation. Apatride, enfant naturel d'un père officier italien et d'une mère déclassée et fantasque, elle-même d'origine balte et italienne, Apollinaire a vraiment choisi la France comme patrie et le français pour langue "maternelle" (...)
[...] Il ne reste que des lieux : la place du village, l'église silencieuse qui attend le retour de Marie, la Seine. On imagine très bien une séance de cinéma muet avec accompagnement musical ( hors pellicule Les frères Lumière avaient donné la première projection privée à Paris en 1895 ; en 1903 on ouvrait le premier cinéma permanent à Bordeaux, et la Gaumont lançait la location de films en 1910. A relire le poème Marie on imagine bien les diverses séquences tournées au ralenti. On le voit, la poésie d'Apollinaire est bien enracinée dans son époque. [...]
[...] Le poème Marie est constitué de strophes quasiment régulières : cinq quintils d'octosyllabes. Le poète alterne les rimes féminines et les rimes masculines, avec de nombreuses coupes à l'hémistiche. L'alexandrin de la deuxième strophe ( vers 9 ) est très régulier aussi : Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine ( coupe à l'hémistiche encore Les thèmes choisis sont récurrents dans la poésie. Apollinaire exprime, avec des accents lyriques, sa douleur devant un amour non partagé : Quand donc reviendrez-vous Marie ? [...]
[...] Il file d'ailleurs la métaphore puisque l'image des moutons est reprise dans le quintil suivant tes cheveux / Crépus comme mer qui moutonne image doublée d'une allitération en [m].Les mains de Marie sont comparées à des feuilles de l'automne c'est-à-dire à des feuilles mortes, et le verbe joncher montre qu'il n'y a plus rien à espérer de cet amour. L'image finale du fleuve rappelle Le Pont Mirabeau autre poème d'Alcools publié en février 1912, soit six mois avant Marie : Sous le Pont Mirabeau / Coule la Seine / Et nos amours On le voit, le poème Marie est bien caractéristique de la poésie d'Apollinaire : reconnaissance de ce que les pères ont apporté, ancrage résolu dans l'époque, apport personnel. [...]
[...] Dans la conférence de 1917 restée célèbre, Apollinaire confiait que l'esprit nouveau se réclame de l'ordre et du devoir et leur adjoint la liberté Par son goût de la surprise, son refus de tout système, et son travail sur les images, il ouvre la voix au surréalisme et plus encore à ceux qui s'en libèreront, comme Eluard et Aragon. Rappelons une des définitions de l'image surréaliste donnée par Reverdy : L'image est une pure création de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison, mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointaines et justes, plus l'image sera forte - plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique. [...]
[...] Les peintres illustrent les poèmes, les gens de lettres soutiennent leurs amis peintres dans différentes revues. C'est là qu'Apollinaire, né en 1880, parfait son éducation. Apatride, enfant naturel d'un père officier italien et d'une mère déclassée et fantasque, elle-même d'origine balte et italienne, Apollinaire a vraiment choisi la France comme patrie et le français pour langue maternelle Il désirera tellement la naturalisation française qu'il s'engagera comme volontaire en 1914 pour l'obtenir. Il est curieux de tout et séduit par l'Esprit nouveau qui règne en ce début de siècle : l'expression est de lui. [...]
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