"À une Malabaraise" est le XXe poème de ce dernier recueil. Avec d'autres, "À une dame créole" ou encore le "Petit Poème en prose", "La Belle Dorothée", il s'inspire du séjour de l'auteur aux Mascareignes, et plus particulièrement à l'île Bourbon, aujourd'hui La Réunion, lorsque son beau-père, le général Aupick, l'avait initialement envoyé en voyage aux Indes (dont le Malabar ou Côte de Malabar est une région de la côte sud-ouest de la péninsule) en 1841 afin de l'arracher à la délétère influence de la vie parisienne.
Ce poème trouve son originalité dans le rapprochement nouveau qu'opère Baudelaire entre le thème exotique (qui sera prépondérant dans sa poésie à venir) et le motif intimiste inspiré de la poésie du XVIe siècle. Tout d'abord occasion d'y faire un éloge d'une jeune femme au charme exotique, Baudelaire va ensuite adopter la perspective de son personnage sur la France pour mieux dégager les défauts de son pays.
I) Un portrait conventionnel
Conformément aux conventions littéraires, Baudelaire va esquisser le portrait de cette jeune femme de façon à ce que le lecteur en saisisse les caractéristiques. L'usage de comparaisons et de métaphores banales et issues de la vie quotidienne ne singularisent pas cette malabaraise mais insiste sur le stéréotype du portrait dont l'emploi du présent contribue à suggérer l'intemporalité et la valeur absolue. (...)
[...] De plus, ils se confondent par leur couleur avec la chair et le reste du corps. Des vers 1 à l'auteur évoque successivement : - la finesse de ses pieds (Tes pieds sont aussi fins que tes mains, vers 1). Par un outil grammatical permettant un rapprochement de deux termes (aussi . que), les pieds et les mains de la femme sont comparés à un idéal de fragilité et de finesse. - sa silhouette dont l'exotisme est mis en valeur par un enjambement (et ta hanche / Est large à faire envie à la plus belle blanche, vers - la douceur de sa peau (ton corps est doux, vers - et enfin, la forme et la couleur de ses yeux (Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair, vers 4). [...]
[...] Le temps est alors le conditionnel. A contrario, le climat de la France est connoté négativement (Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles, vers 22 ; dans nos sales brouillards, vers 27). Il convient alors de noter que certains termes appartiennent à un champ lexical opposé à celui évoqué pour l'île Bourbon (Frissonnante, vers 22 fait ainsi écho à chauds, vers tandis que d'autres connotent des antonymes. Ainsi, les termes neige et grêles (vers 22) qui sont associés au froid répondent et s'opposent à l'adjectif chauds (vers de même que le nom brouillards (vers 27) suggérant l'absence de visibilité et un ciel gris s'opposent à l'adjectif bleus (vers 5). [...]
[...] Du reste, il n'apparaît que dans les rêves de la malabaraise (Où tes rêves flottants sont pleins de colibris). L'exotisme de la malabaraise Ce qui évoque l'exotisme pour cette femme n'est que sous-entendu dans le poème. Baudelaire réfute ainsi ses motifs de fascination, évoquant l'hiver (vers certaines relations sociales auxquelles elle est étrangère (vers et 26) ainsi que les tenues vestimentaires qui y sont portées (le corset brutal, vers 24) et soulignées par l'antithèse réunionnaise vêtue à moitié de mousselines frêles (ligne 21). [...]
[...] L'opposition entre ces deux mondes sépare les deux entités de manière irrémédiable. III- Un exotisme idéal Même s'il est différent, le point de vue de chacune des deux entités révèle un certain exotisme fait de fascination pour les contrées lointaines. Chacune idéalise un pays : la malabaraise souhaite voir notre France (vers 17) tandis que Baudelaire vante les charmes de l'île Bourbon. L'exotisme baudelairien Baudelaire est particulièrement fasciné par la qualité de vie de la femme, le paysage et le climat de l'île. [...]
[...] On relève ainsi deux périodes distinctes augurant deux mondes et deux êtres opposés, mises en relief par l'emploi d'un vocabulaire différent et surtout par les temps de conjugaison : - une première traitant d'une vie idéale : l'île Bourbon (vers 1 à 16) Le poète emploie des termes mélioratifs (fins, vers 1 ; doux et chers, vers 3 ; fraîches, vers 7 ; gracieux et fleuris ; vers 16). Le temps révélateur en est le présent de l'indicatif. Le climat réunionnais y est témoigné bénéfique (Aux pays chauds et bleus, vers 5). Le mode de vie de la femme est ici paisible, relevé par un ensemble de connotations valorisantes suggérant le bonheur (fredonnes, vers 12 ; doucement, vers 14 ; rêves, vers 15 ; colibris, vers 15). [...]
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