La mythologie, avec son cortège de personnages héroïques, fantaisistes ou monstrueux, offre à la littérature des motifs de réécriture à travers les siècles. Ainsi Homère, dans L'Odyssée, est le fondateur du mythe de la Sirène. Il en fait une créature maléfique qui, par son chant séducteur, charme tous les mortels et attire vers la mort les marins qui ne peuvent lui résister.
Après d'autres écrivains, dont Aloysius Bertrand et Giraudoux, Desnos annexe ce personnage et en fait le thème de son poème Ma sirène.
(...) Mais à son tour, cette sirène chante pour le poète, ainsi que le soulignent :
- l'abondance du champ lexical de l'ouïe ("chante", vers 41 ; "écouter", vers 42 et "entendit", vers 43).
- la marque exclusive de la négation restrictive "ne ... que" ("Ma sirène ne chante que pour moi", vers 41).
- le ton allègre et vif du poème dominé par les anaphores au gré de ses gestes : "Les uns" (vers 25 et 26), "Un pour" (vers 35 et 36), "Et" (vers 37 à 40). La progression du poème se plie à ses caprices. À son identité de femme correspond l'écriture poétique : on constate la forme en partie traditionnelle du vers et une progression logique (soulignée par les blancs typographiques entre les strophes) avec une strophe pour le décor, une pour les "bateaux" (moyen de parvenir dans l'île !), une pour les "savons" et une pour le chant de la sirène. Elle se plie ainsi au quotidien du poète, à son élément : le vers, mais en l'assouplissant.
Ainsi, les liens entre les deux sont très forts et cette femme apparaît comme un être poétique. Elle n'existe que pour lui et n'a de réalité que dans le poème : il est le seul à l'entendre. C'est une allégorie de l'inspiration qui fait du poète un être à part et lui donne son statut (...)
[...] Or, comment peut-elle avoir des pieds puisque c'est une sirène avec sa queue d'écailles (vers 37) ? .dans les derniers vers, une allusion autobiographique suggérant que Desnos a montré son poème à un ami (vers 42) poète, qui lui en a fait l'éloge, mais dont Desnos a senti que peut-être il mentait. L'ultime vers (Je me méfie car il peut être menteur) avère les doutes du poète qui règle ainsi ses comptes avec sans doute un confrère du groupe surréaliste. [...]
[...] Il la quittera en 1929 après s'être brouillé avec André Breton. Après avoir voué une passion à l'émouvante chanteuse de music-hall Yvonne George qui disparaîtra prématurément de la tuberculose en 1929, Desnos rencontre Youri, maîtresse du peintre Foujita, avec qui il entretiendra une relation qui même fidèle n'en restera pas moins guère heureuse. Il vivra avec elle à partir de 1930 et la représentera par la sirène. Dans son poème, sa sirène subit des transformations depuis son ancêtre homérique : elle reste un être pas ordinaire de conte fantastique, mais elle est aussi femme, bien ancrée dans le quotidien. [...]
[...] Ainsi, Ma sirène est un poème qui rend hommage à la femme aimée. Mais le personnage mythologique de la sirène et la forme de la déclaration d'amour sont renouvelés par l'esprit surréaliste et le tempérament poétique de Desnos, plein d'humour, amateur de merveilleux qui traque l'insolite dans le quotidien. Pour lui, l'amour est un moyen d'accéder au surréel, mais en retour ce dernier permet de mieux exprimer l'amour. La sirène est la source de l'écriture nouvelle surréaliste de Desnos. Nourrissant l'imaginaire depuis l'enfance, elle renaît ainsi sous la plume des écrivains, mais aussi sous le pinceau des peintres (Chagall) ou sous les doigts des musiciens comme Ravel (qui lui consacre un poème musical) ou Debussy. [...]
[...] À son identité de femme correspond l'écriture poétique : on constate la forme en partie traditionnelle du vers et une progression logique (soulignée par les blancs typographiques entre les strophes) avec une strophe pour le décor, une pour les bateaux (moyen de parvenir dans l'île une pour les savons et une pour le chant de la sirène. Elle se plie ainsi au quotidien du poète, à son élément : le vers, mais en l'assouplissant. Ainsi, les liens entre les deux sont très forts et cette femme apparaît comme un être poétique. [...]
[...] Robert Desnos, Les Nuits blanches, Gallimard Le mot provient étymologiquement de sau forme ancienne de sel et de grenu qui signifie sous forme de grain. Le terme signifie bizarre inattendu Il est donc, dans le poème, riche de sa double signification. ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction La mythologie, avec son cortège de personnages héroïques, fantaisistes ou monstrueux, offre à la littérature des motifs de réécriture à travers les siècles. Ainsi Homère, dans L'Odyssée, est le fondateur du mythe de la Sirène. Il en fait une créature maléfique qui, par son chant séducteur, charme tous les mortels et attire vers la mort les marins qui ne peuvent lui résister. [...]
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