Dans l'extrait que nous étudions, Lucien rencontre "une jeune femme blonde", mais Stendhal qui fait partie des romanciers novateurs du début du XIXème siècle, renouvelle cette scène traditionnelle de façon originale. En effet, adoptant le point de vue de son personnage, l'auteur épouse l'expérience vécue par celui-ci, cependant, le narrateur n'en prend pas moins de la distance à l'égard de son personnage par son commentaire tendrement ironique. Fusion et distance constituent donc les deux dimensions de ce texte (...)
[...] Seul l'arrêt du défilé et la hauteur du cheval permettent ce point de vue. Une information limitée - En adoptant le regard de Lucien, l'auteur limite notre connaissance, car la jeune femme reste inconnue et mystérieuse : comme le personnage, le lecteur ne fait que l'entrevoir et doit émettre des hypothèses : elle pouvait avoir vingt-quatre ou vingt-cinq ans 17-18) et était-ce de l'ironie, de la haine . à s'amuser de tout ? 19-20). Le monologue intérieur - A la fin du premier paragraphe, les paroles rapportées de Lucien au discours direct sont un monologue intérieur, qui se poursuit plus loin par le discours indirect libre 17 à 20) sous forme interrogative, où sont énumérées des hypothèses suscitées par l'expression singulière 18- 19) des yeux de l'inconnue. [...]
[...] Ce soupçon prophétique est présent notamment aux lignes 19-20. Cette dernière hypothèse risque de s'avérer après la chute du fier militaire. Conclusion : Stendhal a donc choisi dans ce passage de traiter de manière singulière la traditionnelle scène romanesque de la rencontre. Pour cela, il renonce au pouvoir omniscient du romancier classique, en nous faisant apparemment adopter le point de vue de Lucien dont nous épousons la vision et les pensées, et dont nous partageons les ignorances. Mais, sacrifiant la complicité avec son héros, l'auteur établit une connivence avec le lecteur, et l'invite à s'amuser des inquiétudes du cavalier monté sur un mauvais cheval et bloqué sous la fenêtre d'une belle femme sans indulgence, avant de chuter ridiculement. [...]
[...] La fenêtre vert-perroquet - La mention à deux reprises de la couleur de la fenêtre participe de cette mise à distance. Elle provoque d'abord les sarcasmes du jeune homme sur de son bon goût parisien ; mais le rappel de cette couleur criarde prend une autre valeur quand, à la ligne elle s'entrouvre, et c'est avec humour qu'à la 23) la mention de la couleur revient impitoyablement pour nous montrer le Parisien, méprisant auparavant, devenu fasciné : Lucien, les yeux fixés . un coup d'éperon à son cheval 23). Le revirement de jugement prend un caractère comique. [...]
[...] II/ Le regard ironique de Stendhal La chute - Stendhal se désolidarise plaisamment de son héros quand il nous le montre par terre à la fin de l'extrait. Cette chute à la fois physique et celle de la scène qui se termine ainsi, montrée de l'extérieur (peut- être même du point de vue de la jeune femme), vient briser le romanesque de la scène pour introduire le ridicule de la situation. Les commentaires amusés - Le narrateur se plaît à prendre ses distances avec son personnage à travers des commentaires discrets et amusé. [...]
[...] A une scène classique et conventionnelle, Stendhal a su donner de la fraîcheur et de l'humour. Bien qu'ayant vécu en plein mouvement romantique dont il partageait les idées novatrices, il s'en est démarqué par un style original, qui influencera les romanciers du XXème siècle. [...]
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