Devons-nous alors penser que cette fable-ci ne possède pas d'enseignement moral ? Pourrait-on trouver cependant qu'au travers du récit le narrateur manifeste sa sympathie à un animal plutôt qu'à l'autre et qu'il nous invite, implicitement, à imiter sa manière de vivre ?
Pour répondre à ces questions nous étudierons tout d'abord l'art du récit et la manière dont le fabuliste suscite en permanence l'intérêt du lecteur ; nous montrerons ensuite comment chacun des animaux incarne des traits de caractère et des comportements humains, enfin nous nous interrogerons sur la portée morale de cette fable (...)
[...] Le narrateur donne d'abord une vision générale de la situation puis il nous la fait vivre à travers les pensées du loup Mais le mâtin était de taille/ à se défendre hardiment v. il s'efface ensuite pour laisser la parole au chien. Notons à ce propos que, pour plus de vivacité, le passage du récit au dialogue est amené directement, la formule d'introduction étant rejetée en fin de phrase : Il ne tiendra qu'à vous, beau sire / D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien (v. 13). Nous entrons alors dans une petite scène de comédie. [...]
[...] 19) désigne un bon repas qui ne coûte rien. En fait le chien est assez paresseux, cela se confirme quand il utilise l'expression presque rien (v. 23) pour décrire ses devoirs. Il manifeste son besoin de quiétude quand il évoque les risques que courent les loups Car quoi ? Rien d'assuré point de franche lippée : / Tout à la pointe de l'épée v. 19-20) et aussi quand il utilise le terme de salaire (v. 26) : le salaire est une rétribution perçue régulièrement. [...]
[...] Cependant, avant de s'enfuir le loup fait preuve de superbe. A la fin de la fable c'est lui qui parle, s'exprime précisément, domine le chien par le pouvoir de la parole. Il a le dernier mot et sort en quelque sorte vainqueur de la confrontation. III. Quel est donc l'enseignement moral de cette fable ? On serait tenté de sire que le loup est le représentant de l'indépendance d'esprit, il proclamerait que le bonheur est impossible sans la liberté qui est le plus précieux de tous les biens : Et ne voudrais même pas à ce prix un trésor. [...]
[...] Ce suspense est renouvelé quand le loup pose des questions au chien, tout d'abord pour accepter sa proposition Que me faudra-t-il faire ? v. 22) puis pour l'interroger sur la marque qu'il voit à son cou : Qu'est-ce là ? ( v. 34) A cela s'ajoute une série de surprises et de rebondissements. On croirait le loup moralement vaincu par le chien mais tout de suite après c'est ce dernier qui se trouve en situation de faiblesse puisqu'il élude la question Qu'est-ce là ? lui dit-il . [...]
[...] La Fontaine réussit donc à rendre admirable l'animal honni, objet de haines et de frayeurs ancestrales. Cette fable serait alors une méditation sur la possibilité et la difficulté de comprendre autrui. Nous éprouvons de la sympathie pour le loup bien qu'il soit plus éloigné de nous que le chien, c'est la preuve que l'on peut comprendre les autres ; d'un autre côté même si le chien essaye de venir en aide au loup il ne peut absolument pas le comprendre, tant ils sont irrémédiablement étrangers l'un à l'autre. [...]
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