« On sait à peu près pourquoi une oeuvre est mauvaise mais bien moins pourquoi elle est bonne » déclare Pierre Reverdy. La Fontaine quant à lui propose un élément de réponse, dans un discours adressé à La Rochefoucauld dans les Fables : « Mais les ouvrages les plus courts / sont toujours les meilleurs ».
Ce propos est avant tout un hommage rendu à La Rochefoucauld », passé maître dans l'art de la maxime, et sa vérité est sans doute contestable, mais son caractère péremptoire suscite néanmoins l'étonnement. Que penser d'un tel jugement ? (...)
[...] On voit qu'on à affaire à deux fonctionnement profondément différents, de textes qui n'appartiennent pas à la littérature pour les mêmes raisons. Ces critères de diction et fiction peuvent, en effet, être constitutifs : un roman quel qu'il soit, bon ou mauvais, est toujours littérature, et de la même manière, un poème. Mais, ils peuvent également dépendre d'un libre jugement esthétique, notamment la diction. Ce qui est intéressant dans la distinction de Genette, c'est que, comme dans le propos de La Fontaine, elle lie ce critère à la qualité de l'œuvre. [...]
[...] De plus, cela nous permet de comprendre que les ouvrages les plus courts ne visent pas le même but que les ouvrages plus longs. Ainsi, meilleurs dépend du but visé : fiction ou diction Quant au plaisir du lecteur, il peut exister dans la brièveté, qui évite l'ennui, mais aussi dans la longueur, qui seule lui permet de s'immerger dans la fiction. La distinction de Genette, nous a permis de comprendre comment le critère quantitatif peut être à l'origine d'un jugement qualitatif, et comment les différents genres peuvent viser des effets différents qui conditionnent soit une certaine longueur, soit l'extrême brièveté. [...]
[...] Et pour contrebalancer le propos de La Fontaine par lequel notre réflexion a commencé, on peut terminer en évoquant Rousseau, pour qui la longueur est un gage de spontanéité. Dans la seconde préface à La Nouvelle Héloïse, il compare deux lettres d'amour : la lettre d'amour d'un bel esprit en ce qu'elle est courte et bien écrite, attire tout au plus l'enchantement passager du lecteur, tandis que celle du véritable amant a une vraie longueur, se répète. Lâche est diffuse, sa parole est dictée non pas par une esthétique de la réception, mais par une véritable émotion, par le cœur. [...]
[...] Les formes courtes sont à envisager comme les fragments d'une œuvre plus grande. Baudelaire, par exemple, a organisé Les Fleurs du Mal comme un itinéraire dont l'architecture est signifiante, qui commence par la naissance du poète dans Bénédiction finit sur le thème de la mort et se divise en six stations successives. De la même façon les Pensées de Pascal, les Essais de Montaigne, ou encore les Maximes de La Rochefoucauld proposent un système de pensée à travers des fragments qui se répondent. [...]
[...] Le propos de La Fontaine se place finalement au croisement de ces deux perspectives. Il prend donc part dans un débat continuel et qui était d'ailleurs présent déjà aux origines de la littérature. Dans ce sens, son jugement est évidemment polémique et incontestable. C'est une affaire de goût, la revendication d'un idéal esthétique. Cependant, on peut dire que le critère de la longueur d'un texte est quant à lui incontestable, en ce qu'il permet de comprendre le fonctionnement particulier de chaque ouvrage, toujours témoin d'un idéal qui n'est jamais le même. [...]
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