La question est née du scandale suscité par le roman à l'époque de sa parution et qui renaît régulièrement à l'occasion des diverses adaptations cinématographiques, ou de son introduction dans les manuels scolaires.
Elle relève d'ailleurs d'une question beaucoup plus vaste et générale qui est celle des rapports de l'art et de la morale (...)
[...] Les Liaisons Dangereuses : roman moral ou immoral ? Mon propos est de bien peindre des voleurs de chevaux, pas de rappeler qu'il est mal de voler des chevaux (Tolstoï) La question est née du scandale suscité par le roman à l'époque de sa parution et qui renaît régulièrement à l'occasion des diverses adaptations cinématographiques, ou de son introduction dans les manuels scolaires. Elle relève d'ailleurs d'une question beaucoup plus vaste et générale qui est celle des rapports de l'art et de la morale. [...]
[...] D'autre part le châtiment des méchants reste incomplet : certes Merteuil est démasquée, conspuée, défigurée, ruinée, et contraint à la fuite, mais son châtiment reste incomplet et assez peu probant ; elle s'enfuit en Hollande, à l'époque, terre de la plus grande liberté en Europe, elle emporte son argent, ses bijoux, son argenterie, et s'apprête, pour autant qu'on le sache, à recommencer une nouvelle vie là-bas, sans doute comme aventurière type assez courant à l'époque dans ce milieu. Cette fuite romanesque pleine d'énergie ne constitue en rien le châtiment exemplaire qu'exigeraient les visées édifiantes du roman. De même pour Valmont : une fin édifiante voudrait qu'il soit tué par madame de Tourvel ou quelque vengeur de l'honneur de madame de Tourvel. [...]
[...] et avait sauté les pages consacrées à l'apôtre Pierre Dans le cas des Liaisons Dangereuses le problème se complique des ambiguïtés propres du roman : dans ses diverses préfaces, Laclos affirme hautement ses intentions morales ; il veut dit-il peindre les mœurs du temps et dénoncer les dangers que les libertins font courir à la société. Or, on ne peut suspecter la sincérité do projet : discipline de Rousseau et des philosophes, il veut éduquer et dénoncer le mal en le montrant. [...]
[...] D'autre part le projet acharné des libertins qui était de prouver la force de la sexualité au détriment de l'amour, et, face à celle-ci, l'impuissance , voire l'inexistence de l'amour, reçoit des évènements un démenti radical : en effet tout le roman met en évidence la toute puissance de l'amour et aboutit à un véritable triomphe de l'amour même si ce triomphe s'accomplit sur le mode de la tragédie : certes Cécile et Danceny ont succombé à l'attrait de la sensualité , mais, lorsque l'heure du choix crucial se présente, chacun privilégie sans hésiter l'amour. Valmont lui même cède progressivement mais irrésistiblement à la passion authentique qu'il éprouve pour Madame de T., comme en témoigne la lettre qu'il écrit à Madame de Volanges après la retraite de Madame de T. au couvent (lettre que Laclos a retirée du roman) et les confidences qu'il fait à Danceny (lettre 155) peu avant le duel final. [...]
[...] Le lecteur (normal) ne peut en effet qu'envier, ou au moins admirer, l'intelligence exceptionnelle des libertins, leur formidable énergie au service de leurs projets, leur suprême élégance de ton et de manières, leur capacité à dominer l'adversaire et à manipuler autrui, bref, ce que Stendhal appelait leur flamboyante liberté Et même dans le cas de Tourvel, l'intérêt, la sympathie, voire l'attendrissement que suscite le personnage, viennent moins de sa vertu originelle, que du combat que se livre en elle entre amour et vertu, du douloureux écartèlement dont elle est la proie, et pour finir de la défaite de la vertu, vaincue par un sentiment plus humain encore qui est la passion, la sainteté du personnage venant précisément, non de sa vertu, mais du sacrifice qu'elle fait de celle-ci à l'homme qu'elle aime. Et c'est précisément ici que se pose à nouveau, mais différemment, la question de la morale du roman. [...]
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