Laclos, "Les Liaisons dangereuses", Lettre CLXI : commentaire composé

Résumé du document

- Le véritable destinataire de la lettre n'est pas donné comme en témoigne le paratexte "La Présidente de Tourvel à...". Toutefois, le lecteur comprend dès les premiers mots que la Présidente de Tourvel s'adresse, notamment, à Valmont.
- On est loin de "l'amitié tendre" (lettre 90) et de "l'amour" (lettre 124) qui l'unit au vicomte. Cette 161ème missive est une accusation lourde et longue portée à Valmont source du désespoir de la Présidente. On ne saurait relever tous les mots et toutes les expressions qui le désignent "être cruel et malfaisant ; auteur de mes fautes ; c'est ce monstre ; cruel" ou celles qui mettent en lumière les souffrances qu'il a sciemment causées : "me persécuter ; m'avoir tourmentée, dégradée, avilie ; tu redoubles mes tourments ; me persécutez-vous" (...)

Extraits

[...] Sa bouche ne profère plus que l'insulte et le reproche. Ses bras ne m'entourent que pour me déchirer - Les très nombreuses interrogations (18 au total) et phrases exclamatives (19 exactement) soulignent, elles aussi, le trouble et l'instabilité de la Présidente. - Le cinquième paragraphe est extrêmement déstabilisant puisque la Présidente s'adresse à Valmont comme s'il était présent. Il y a une rupture très nette puisqu'elle passe du pronom de troisième personne à celui de la deuxième : c'est lui Je ne me trompe pas ; c'est lui que je revois. [...]

[...] - On est loin de l'amitié tendre (lettre 90) et de l'amour (lettre 124) qui l'unit au vicomte. Cette 161ème missive est une accusation lourde et longue portée à Valmont source du désespoir de la Présidente. On ne saurait relever tous les mots et toutes les expressions qui le désignent être cruel et malfaisant ; auteur de mes f autes ; c'est ce monstre ; cruel ou celles qui mettent en lumière les souffrances qu'il a sciemment causées : me persécuter ; m'avoir tourmentée, dégradée, avilie ; tu redoubles mes tourments ; me persécutez-vous - Valmont n'est donc jamais désigné directement. [...]

[...] Un enjeu narratif majeur - Cette lettre présente un enjeu narratif majeur puisqu'elle est la dernière missive rédigée par la Présidente. - La tension est ici à son comble. Elle ne redescendra qu'après. L'exacerbation des sentiments (l'amour et la haine portés à Valmont) maintient en éveil l'intérêt du lecteur qui suit avec attention l'état trouble dans lequel la Présidente est plongé. - Cette 161ème missive est finalement une forme de dénouement, l'ultime scène du cinquième acte (cf composition des tragédies). [...]

[...] Ce troisième paragraphe ne laisse aucun doute quant à celui pour qui la lettre est destinée puisque la liaison adultérine de la Présidente est bien un outrage, un opprobre pour l'époux trompé toi, que j'ai outragé ta honte qui serait dans son droit de se venger toi, qui seul enfin aurais le droit de te venger ta vengeance Certaines phrases lèvent onc le doute comme cette injonction : Viens punir une femme infidèle Cette lettre n'a donc pas un mais deux destinataires (trois même car une partie du cinquième paragraphe est une adresse à ses amies à deux tout particulièrement); destinataires qui, il faut le dire, ne sont mentionnés ni dans le paratexte ni dans le texte lui-même. C'est donc au lecteur que revient la charge et la tâche de comprendre à qui s'adresse la Présidente. Il semblerait que celle-ci, étouffée par la honte ou le désespoir et la colère, ne soit même plus en mesure de nommer ces deux hommes qui font ou plutôt ont fait partie de sa vie amoureuse. [...]

[...] On a ainsi tout et son contraire qui est dit : oh ! mon aimable ami Etre cruel et malfaisant ; reçois-moi dans tes bras Je veux le fuir ; Ne nous séparons plus Laisse-moi ; C'est la douce émotion de l'amour la haine est douloureuse ; je meurs sens mon cœur comme il palpite ; ses yeux n'expriment plus que la haine et le mépris tourne vers moi tes doux regards - Cette constante opposition, cette fréquente façon qu'a la Présidente de dire le tout et son contraire met en lumière la folie qui l'empare. [...]