Montesquieu (1689-1755) est un moraliste et philosophe français du XVIIIe siècle. Caractérisé par une ouverture d'esprit et une faculté d'adaptation peu commune, les philosophes du XVIIIe siècle reconnaîtront en lui leur précurseur. Ses idées lui font défendre la conquête de la raison et de l'esprit de tolérance et, en politique, la séparation des pouvoirs. Paradoxalement, les deux ouvrages assurant le renom de leur auteur sont l'un et l'autre "anonymes" : Lettres persanes en 1721 et L'Esprit des Lois en 1748. Reste que ces deux oeuvres d'un homme qui a pour parrain un mendiant, parce que son père veut qu'il se souvienne toujours que les pauvres sont ses frères, et qui est reçu conseiller au Parlement de Bordeaux le 24 février 1714, changent fondamentalement le regard que le siècle porte sur lui-même, sur son temps et sa civilisation (...)
[...] Cette société donne l'occasion à Montesquieu (par l'intermédiaire de la plume d'Usbek, et l'on sait que dans ce roman, ce tyran écrira surtout des lettres politiques) d'aborder les grands thèmes utopiques, ceux-là même que l'on retrouve chez Rabelais, comme la guerre par exemple. Dans la lettre précédente, Montesquieu vient d'expliquer comment les mauvais Troglodytes ont été supprimés par manque de vertu. Dans celle-ci, il reprend le cours de son apologue et évoque les bons Troglodytes leur mode de vie et leurs valeurs. [...]
[...] Un peuple si 25 juste devait être chéri des Dieux. Dès qu'il ouvrit les yeux pour les reconnaître, il apprit à les craindre, et la religion vint adoucir dans les mœurs ce que la nature y avait laissé de trop rude. Ils instituèrent des fêtes en l'honneur des Dieux : les jeunes filles, ornées de fleurs, et les jeunes garçons les célébraient par leurs danses et par les accords d'une 30 musique champêtre. On faisait ensuite des festins où la joie ne régnait pas moins que la frugalité. [...]
[...] Autant liés par la droiture de leur cœur que par la corruption de celui des autres, ils voyaient la désolation générale et ne la ressentaient que par la pitié ; c'était le motif d'une union nouvelle. Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l'intérêt commun ; ils n'avaient de différends que ceux qu'une douce et tendre amitié faisait naître ; et, dans l'endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs 10 compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille. La terre semblait produire d'elle-même, cultivée par ces vertueuses mains. [...]
[...] Les bienfaits de ces qualités L'idée générale de ces bienfaits est mise en relief par les maximes (lignes 16 à 18) : - que vouloir s'en séparer, c'est vouloir se perdre (ligne 16) : morale communautaire qui témoigne la vertu indispensable au salut - la vertu n'est point une chose qui doive nous coûter (lignes 16- litote associant la vertu au plaisir - la justice pour autrui est une charité pour nous (ligne 18) soulignant la réciprocité. Montesquieu soutient ainsi la cohésion sociale. Les conséquences sont ensuite manifestes (lignes 19 à 23). [...]
[...] Les filles y venaient 40 apporter le tendre sacrifice de leur cœur et ne leur demandaient d'autre grâce que celle de pouvoir rendre un Troglodyte heureux. Le soir, lorsque les troupeaux quittaient les prairies, et que les bœufs fatigués avaient ramené la charrue, ils s'assemblaient, et, dans un repas frugal, ils chantaient les injustices des premiers Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante 45 avec un nouveau peuple et sa félicité. Ils célébraient les grandeurs des Dieux, leurs faveurs toujours présentes aux hommes qui les implorent, et leur colère inévitable à ceux qui ne les craignent pas ; ils décrivaient ensuite les délices de la vie champêtre et le bonheur d'une condition toujours parée de l'innocence. [...]
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