Selon quelles modalités le portrait de Ménippe dévoile-t-il l'entreprise satirique et moraliste des Caractères ?
Nous constaterons, dans un premier temps, que l'auteur dresse le portrait d'un homme orgueilleux qui, pour masquer son inconsistance, s'approprie les idées des autres, illustrant ainsi au lecteur l'art de l'illusion. Nous montrerons ensuite, à travers la mise en scène burlesque d'un contre-modèle de l'"honnête homme", que le portrait revêt une dimension satirique qui critique une société de l'apparence et du faux-semblant, celle du XVIIème siècle. Enfin, nous montrerons les mécanismes mis en oeuvre par l'auteur pour conférer au portrait de Ménippe une dimension moralisatrice applicable au lecteur d'hier comme d'aujourd'hui (...)
[...] Ici, la pratique de l'asyndète offre un texte à l'image de Ménippe : la phrase donne l'impression d'être d'une telle façon, mais se révèle autre au fur et à mesure qu'elle se développe. Il en est de même aux lignes 10 et 11, où les propositions semblent s'emboîter les unes aux autres sans réel lien de coordination : se parle souvent à soi-même, et il ne s'en cache pas, ceux qui passent le voient, et qu'il semble toujours prendre un parti, ou décider qu'une telle chose est sans réplique”. [...]
[...] Aussi, plus que l'art du paraître, il pratique l'art de l'illusion. Un mérite illusoire Le texte rend d'ailleurs compte de cette dimension du personnage puisque le portrait illusionne lui-même le lecteur en pratiquant l'asyndète, à l'image des lignes 2 à 4 : . ) il répète des sentiments et des discours, se sert même si naturellement de l'esprit des autres qu'il y est le premier trompé, et qu'il croit souvent dire son goût ou expliquer sa pensée, lorsqu'il n'est que l'écho de quelqu'un qu'il vient de quitter”. [...]
[...] Le texte nous ancre davantage dans la farce comique avec l'exemple du salut, où Ménippe ne sait pas quoi répondre : vous le saluez quelquefois, c'est le jeter dans l'embarras de savoir s'il doit rendre le salut ou non ( . (l. 12). La situation est purement grotesque : est-il vraiment nécessaire de réfléchir longuement pour rendre un simple salut ? L'auteur le souligne d'ailleurs avec une profonde ironie : . ) et pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée” (l.13). La mise en scène de Ménippe est parfaitement orchestrée par le ton satirique qui oriente le portrait : des éléments tels que la négation restrictive . [...]
[...] On remarque assurément qu'il y a une adéquation entre ce qu'il croit être (un “honnête homme”) et ce que tout le monde peut voir (un homme inconsistant et vaniteux). A force d'user naturellement” (l.2) de l'illusion, Ménippe devient la victime de son propre jeu : la situation renvoie alors au leitmotiv de l'arroseur arrosé, très utilisé dans la comédie burlesque, et qui vise à discréditer le personnage mis en scène. Une machine à répéter Dans le portrait, Ménippe est l'objet d'une moquerie acerbe; elle passe également par une réification. [...]
[...] ) il croit que tous les yeux sont ouverts sur lui, et que les hommes se relayent pour le contempler” (l.16). Dans cette phrase, on retrouve, d'une part, l'idée de totalité avec et, d'autre part, on est saisi par la continuité qu'inspire le verbe pronominal relayent” : Ménippe a l'impression d'être en permanence admiré. Le texte fait presque état d'un personnage divin que l'on vénère pour sa splendeur; les compléments d'objet indirect “sublime” et “héroïque” (l. semblent en effet avoir une valeur hyperbolique. [...]
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