- Michel Leiris est un célèbre ethnologue et écrivain du XXème, ayant adhéré au surréalisme dès 1924. Il est l'auteur de l'éminent ouvrage « l'Afrique fantôme » que l'auteur publie en 1934 suite à une mission ethnologique en Afrique où il s'intéresse aux sociétés primitives.
- Son expérience dans le domaine de la psychanalyse a poussé l'auteur vers l'autobiographie dans le cadre d'une introspection et d'une recherche des fondements de sa personnalité. En effet l'enfance est une période de construction de l'individu et de son caractère et c'est dans cette optique que l'auteur aborde sa propre existence dans son ouvrage avec une approche psychanalytique.
- Le texte proposé est extrait de l'oeuvre « L'Âge d'homme » publié en 1939 qui retrace la vie de l'auteur des débuts de son enfance à l'âge adulte. Le passage proposé traite d'un souvenir traumatisant et déterminant dans la vie de l'auteur adulte qui considère cette opération des végétations comme son « souvenir d'enfance le plus douloureux » étant donné qu'il expérimente pour la toute première fois la violence et la souffrance.
- Lecture du texte
- Annonce du plan
Axe1 : Le récit dramatisé d'un souvenir traumatisant.
Axe2 : Une scène archétypale clé dans la construction de la vision du monde de l'adulte.
Développement :
I. LE RECIT DRAMATISE D'UN SOUVENIR TRAUMATISANT
a) La violence physique
- Dans le 1er paragraphe : l'auteur relate le récit de l'intervention chirurgicale caractérisée par la brutalité et la violence comme le souligne le modalisateur « très brutale » (l.3), « opération qui consiste à m'enlever les végétations » (l.2) et précise pour insister sur la souffrance physique atroce qui en découle «sans que je fusse anesthésié » (l.3).
- L'auteur multiplie les expressions accentuant son statut de victime résignée subissant la douleur et la souffrance, incapable d'agir : « je subis » (l.1) « se livrer sur ma personne » (l.27) et « je fus victime » (l.1) (...)
[...] o ( Le chirurgien est donc présenté tel un personnage de film comique en noir et blanc (parodique et grotesque). - Néanmoins le narrateur justifie cette description en précisant qu'elle est puisée dans l'univers de l'enfance et des contes : recul de l'auteur adulte vis a vis de l'enfant comme le souligne «telle est l'image d'ogre que j'en ai gardée (l.10). - ( Le narrateur adulte joue surs les hyperboles et les effets caricaturaux traduisant le ton comique qu'il adopte pour mettre à distance des événements dont il dénonce la part d'exagération avec humour. [...]
[...] 30,31) : Pour la première fois l'auteur concède que la vie peut avoir un attrait positif. Mais la concession est tout de suite évacuée par la formule restrictive qui souligne bien le fait que la vie n'est qu'une illusion et que tout moment agréable n'est qu'une étape illusoire dans le véritable enfer qu'est la réalité. - (Vision tragique du monde influencée non seulement par son enfance mais aussi par les deux conflits bouleversants qu'a traversé l'auteur. A ses yeux, sa vie comme sa mort lui sont imposées sans aucune liberté ou droit de parole. [...]
[...] Cela se déroula, point pour point, ainsi qu'un coup monté et j'eus le senti- ment qu'on m'avait attiré dans un abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent : laissant mes parents dans le salon d'attente, le vieux médecin m'amena jusqu'au chirurgien, qui se tenait dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins, l'image d'ogre que j'en ai gardée) ; j'aperçus des instruments tranchants et, sans doute, eus-je l'air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour me rassurer : Viens, mon petit coco ! [...]
[...] - Sa perception du monde est sombre et défaitiste : la formule restrictive + image employée le souligne le monde plein de chausse- trapes n'est qu'une vaste prison ou salle de chirurgie (l.28) - La métaphore «pour me conduire plus sûrement à l'abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené (l.32) : tôt ou tard, mise en incise de l'antithèse qui insiste sur l'incertitude du moment de la mort et la certitude de cette mort. je dois être mené : il subit l'action et n'a aucun contrôle de lui- même abattoir connotation bestiale et de mort. ( Leiris réduit l'homme à un animal qui vit attendant (l.31) la mort et qui n'a pas la maîtrise de son destin. [...]
[...] Conclusion : - Récit d'un souvenir traumatisant marqué par la violence et la trahison : mais c'est aussi une scène archétypale identifiée comme telle par le narrateur adulte qui, après avoir pris le recul nécessaire par rapport au point de vue de l'enfant, par le biais du comique dégage les enjeux de l'épisode pour l'adulte et la vision tragique de la condition humaine qui en résulte - Comme chez Jeanne Bénameur, le récit autobiographique met en avant une scène primordiale à la différence que, pour cette dernière la scène fonde le mythe de l'écrivain alors que chez Leiris elle n'est à l'origine d'aucune vocation mais seulement d'un pessimisme radical. [...]
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