A l'origine le théâtre était religieux : c'est dire à quel point on n'aurait pas eu l'idée de l'assimiler à un match ! C'est pourtant ce que fait Ionesco : il nous a déjà surpris avec son « Nouveau Théâtre » qui refuse toutes les conventions habituelles, et il réitère avec cette formule inattendue : « le théâtre est comparable à un match » déclare-t-il dans Notes et contre-notes. S'agit-il d'une provocation, d'une concession à une époque où le sport est omniprésent ou bien peut-on réellement établir un lien de parenté ?
Pour répondre à cette question, nous verrons tout d'abord que les conventions théâtrales ne sont pas sans être proches de celle du sport. Ensuite, nous montrerons qu'il existe une filiation plus fondamentale.
[...] On trouve de pièces ou le résultat du match s'affiche avec moins d'effet mais non sans certitude. La Cantatrice Chauve ne se construisant pas sur une intrigue, on a plus de mal à évaluer la place d'un vaincu et d'un vainqueur . Les personnages expriment leur violence, latente depuis le début ; le fait que la pièce se rejoue montre que les équipes ne peuvent se différencier. A ce moment-là, on peut encore filer la métaphore du match et parler de match nul Dans certaines pièces, l'enjeu semble moindre par rapport aux grandes pièces classiques et surtout par rapport aux tragédies . [...]
[...] Si l'on passe en revue les dénouements dramatiques, on trouve la plupart du temps une situation qui s'apparente à un score A la fin de Dom Juan, la mort de celui-ci le désigne facilement comme le vaincu et la morale est victorieuse. La mise en scène prévue par cette pièce à machine , grandiose, laisse même supposer que cette morale l'emporte sans modestie. La séparation de Titus et de Bérénice souligne aussi un écart important dans le résultat de la rencontre : d'une part l'amour, qui est mis K.O. et la raison d'Etat qui triomphe. [...]
[...] Il convient maintenant d'évaluer ces ressemblances en étudiant ce qui constitue l'essence même d'un match et d'une pièce de théâtre. Aller assister à une pièce de théâtre ou à un match, place le spectateur face à des rapports de forces, que ce soit entre équipes, joueurs, combattants ou personnages. Toutes les pièces de théâtre s'ouvrent sur une crise qui met des forces en présence : dès que l'on entend les première répliques de Madame Pernelle dans Tartuffe, on comprend que cette famille est divisée ; plus loin, dans la première scène, on voit s'ajouter une nouvelle cause de division en la personne de Tartuffe qui détermine ainsi deux clans qui vont s'affronter comme le feraient deux équipes. [...]
[...] Personne n'oserait imaginer un match , de n'importe quelle discipline que ce soit, se dérouler sans des règles et leur respect scrupuleux. De même, le théâtre se construit sur des règles. On pense d'abord aux célèbres règles des trois unités qui fondèrent en partie le théâtre du XVIIème siècle ; même si celles-ci ont fini par être allégées on pense à Molière qui bafoue l'unité de lieu dans Dom Juan ou complètement contournées et là, on pense à Ionesco et à tout le Nouveau théâtre-, elles n'ont pas complètement disparu . [...]
[...] On le célèbre, on le récompense ou on le rejette, on lui en veut, et cela parfois dans la confusion entre le personnage et le comédien. On peut débattre du sort de Dom Juan : est-il détestable par son mépris de toute morale ou est-il le courageux résistant devant une morale étouffante ? L controverse s'installe au même titre que les fanatismes sportifs. La comparaison entre ces deux univers sportif et théâtral trouve tout son sens quand on considère les forces en présence et quand on évalue l'engagement total qui prévaut lors d'un match ou d'une représentation théâtrale . [...]
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