C'est en 1942 que Ponge, depuis peu arrivé à Lyon et côtoyant de près les milieux de la Résistance, rencontre les intellectuels de son époque : Paulhan, Camus, Aragon, etc. Lors de cette période extrêmement féconde, il écrit et veut faire publier Le Parti-pris des choses. Il confie le manuscrit à Paulhan, qui, curieusement, le perd. Ponge réussit à retrouver la majeure partie du texte, mais certains poèmes sont irrémédiablement perdus (...)
[...] Il faut, dans les textes de Ponge, toujours penser aux différents sens des mots : il travaillait presque systématiquement avec un Littré. Ici, le terme impression par exemple est intéressant : il renvoie à la fois à l'imprimerie (le pain est imprimé grâce au poème), à l'art (impressionnisme) et à la dimension psychologique : la sensation. quasi panoramique : ici, quasi semble nous avertir que le deuxième terme panoramique est un peu excessif. Les modalisateurs fonctionnent comme des avertisseurs. Quant à panoramique il nous rappelle combien le poète est friand des jeux de mots : on peut entendre pan oramique (panem = le pain en latin). [...]
[...] C'est à relier aux termes mollesse et ignoble qui sont péjoratifs, et s'appliquent davantage à un être humain (c'était déjà le cas, plus haut, du verbe éructer et de l'adjectif amorphe C'est d'ailleurs ce champ lexical qui va créer la transition avec le troisième paragraphe. Dans un mouvement logique, Ponge passe de l'extérieur à l'intérieur, en continuant à mêler panification et création du monde. Le sous-sol est à rapprocher ainsi de la dalle qui précède, et fonctionne sur le même registre. Quant aux adjectifs lâche et froids ils sont encore péjoratifs : une signification morale commence alors à se dégager du poème, et va en s'amplifiant. Le terme tissu est lui davantage scientifique, comme si le texte se voulait une démonstration scientifique. [...]
[...] C'est enfin, pour terminer le paragraphe, la finalité des choses qui est alors évoquée. Après la création, on arrive logiquement à l'achèvement, qui ici ressemble à une mort : rassit fanent rétrécissent se détachent friable Ce dernier terme rappelle assez directement la décomposition. L'aposiopèse finale tend à suggérer combien la disparition est terrible. Comme pour le tiret du paragraphe précédent, on peut se demander s'il faut voir dans les points de suspension (dans leur représentation graphique) le dessin même de l'effritement Dans ces trois paragraphes, on voit donc la création du pain et la création du monde. [...]
[...] En effet, les termes employés sont tous des termes géographiques : vallée crevasse etc. Et c'est principalement l'adjectif stellaire qui nous amène à cette lecture : le four stellaire, c'est le four étoilé on passe donc des braises du four à pain aux étoiles de la voûte céleste. La dernière phrase de ce paragraphe n'a d'ailleurs que peu de rapports directs avec le pain : aucun des termes employés n'y fait référence. Elle est, encore une fois, nettement articulée avec ce qui précède : Et dès lors Finalement, le seul terme qui fasse référence à la croûte du pain : dalle n'est employé que pour décrire ce qui couvre le sol. [...]
[...] Ces trois lectures différentes de cette expression semblent dénoncer le langage et ses possibilités infinies. Ponge le dénonce, mais en même temps il en joue constamment. Quant à dernière partie de la phrase, elle confirme la morale déjà évoquée : car le pain doit être sans notre bouche moins objet de respect que de consommation avec un dernier jeu sur dans notre bouche Soit l'organe de la parole, et celui qui va servir à lire le poème, soit celui du goût pour déguster le pain. [...]
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