Au XVIIIème siècle, le mouvement classique prône l'idéal d'ordre et de rigueur mais défend aussi l'expression « placere et docere », qui signifie plaire et instruire. La Fontaine s'inscrit dans cette volonté ; inspiré des anciens Phèdre et Esope, il revisite les fables et porte le genre à son apogée. Si le 1er recueil des fables livre I à VI, destiné au dauphin, se veut pédagogique et léger, le 2nd vise un public plus large et son contenu est plus axé vers la recherche de sagesse, par la critique des vices humains et des dysfonctionnements de la société d'Ancien Régime. C'est notamment le cas de la fable III du livre 8, le Lion, le Loup et le Renard, où le fabuliste raconte comment le Renard, d'abord menacé de mort par son collègue le Loup, parvient à renverser la donne grâce à un habile discours.
[...] En effet, on trouve de l'imparfait voulait et du passé simple manda de narration, des verbes au présent de narration il vient et au présent de vérité générale c'est un abus pour commenter. Enfin, même le rythme est varié : le monologue du Renard constitue un moment de pause, tandis que l'ellipse le roi goûte cet avis-là : on écorche, on taille, on démembre précipite les faits. Ainsi, l'aspect à la fois animé et théâtral contribue à la diversité dans le récit, le rendant plaisant. [...]
[...] En effet, pour contourner la censure mais aussi pour rendre plaisant le récit, La Fontaine nous présente la fable sous le voile du symbolisme animal. A travers les animaux se profilent très nettement les hommes, et notamment le monde de la Cour. Effectivement, ils sont humanisés et caractérisés par leur action et leur discours, non par leurs détails physiques. Selon la tradition, le lion, symbole du pouvoir et de la force est le représentant du monarque, d'ailleurs explicitement annoncé dès le v 3 aux rois mais aussi tout au long de la fable Le Prince Sire , Le Monarque, votre Majesté Par ailleurs, derrière le Loup, animal cruel et sanguinaire, se profile le courtisan hypocrite et flatteur comme le témoignent ses actions fait sa cour, daube La Fontaine joue d'ailleurs sur l'ambiguïté animal/ humain par l'appellation Messire Loup en rapprochant un terme qualifiant l'homme à un autre qualifiant l'animal carnivore. [...]
[...] Dans un premier temps, cette fable met en avant l'art du conteur fabuliste. Elle met tout d'abord en scène une tragi-comédie. En effet, toute la virtuosité de La Fontaine consiste à théâtraliser la fable. On retrouve ici le schéma d'une pièce de théâtre, dont la scène d'exposition, très brève, englobe les 3premiers vers : Le roi lion veut trouver un remède à la vieillesse. Ensuite, le développement annoncé par le verbe au passé simple celui-ci manda consiste à la recherche d'un médecin v 5 à 9. [...]
[...] Enfin, le monarque apparaît tyrannique et cruel, car à l'instant même où le renard est dénoncé, il le condamne à mort comme le montre le verbe de volonté veut et le terme cru enfumer On retrouve cette férocité après l'intervention du renard par la décision qu'il prend : on écorche, on taille, on démembre et la conjonction de coordination et marque l'absence de remord du roi qui ne se satisfaisant pas de la peau du loup, en soupa Le rituel du coucher du Roi nous rapproche fortement du souverain français Même si les rois en général sont nommés, cette sévère condamnation de la cruauté et ridiculisation de la naïveté s'adresse également au monarque de l'époque. Enfin, par l'intervention du Renard, cette fable nous incite à la réflexion sur le pouvoir de la parole. En effet, le courtisan parvient, par son habile discours, à renverser radicalement la situation. [...]
[...] On retrouve ainsi dans Le Lion, le Loup et le Renard toute la force de l'apologue car, à travers un style léger et vivant, se dessine une attaque virulente de la monarchie et des courtisans, flagorneurs et cruels. On reconnaît le pessimisme de la Fontaine, mais aussi une recherche de sagesse par l'appel à la solidarité des courtisans dans la morale Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire S'il brosse un portrait sévère du roi, il convient cependant de nuancer le propos, La F n'est pas fondamentalement contre la monarchie, il fustige ses abus, mais en fait l'éloge dans d'autres fables comme Le Pouvoir des Fables. [...]
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