Fournier s'inscrit dans une véritable tradition de l'écriture du rêve ; en effet, il ne faut pas oublier que Le Grand Meaulnes est publié en 1913 et qu'au début du XXème siècle, le roman est encore marqué par le romantisme. "Sylvie", une nouvelle de Gérard de Nerval, introduit notamment les thématiques de la fête, de la danse, des chansons, des déguisements... que l'on retrouve dans le roman de Fournier (surtout dans le chapitre "La fête étrange"). On peut ainsi le rapprocher d'auteurs comme Rimbaud, ou même Claudel (Tête d'Or, La ville) (...)
[...] L'aventure de Meaulnes jusqu'à ce qu'il arrive au domaine enchanté correspond à ce cheminement. Le roman se situe donc dans un entre-deux : entre enfance et âge adulte, entre rêve et réalité. Composition en échos : La première et la troisième partie du roman comprennent un nombre égal de chapitre et on observe en effet un jeu d'échos et de miroirs entre le début et la fin du roman. La partie médiane assure quant à elle une habile transition entre le moment où Meaulnes a un rôle ascendant et celui où François Seurel s'empare progressivement du relais ; entre ces deux moments, Frantz de Galais impose le règne de l'illusion. [...]
[...] On remarque d'ailleurs chez Fournier cette sensibilité avant-gardiste sur le jeu de la transformation de la réalité à travers le rêve. Alain-Fournier donne sa propre conception du rêve : J'entends par rêve : vision du passé, espoirs, une rêverie d'autrefois revenue qui rencontre une vision qui s'en va, un souvenir d'après midi qui rencontre la blancheur d'une ombrelle et la fraicheur d'une autre pensée Fournier met donc en évidence la coexistence de plusieurs réalités car le rêve réuni dans une même vision le passé et le présent, mais aussi le présent et l'avenir. [...]
[...] Alors que celle-ci a eu lieu la nuit, en hiver, la partie de plaisir se déroule le jour et en été. Tous les repères sont subvertis, et Meaulnes y est la proie d'un étrange tourment. Le bonheur du jeune couple (Yvonne et Meaulnes) est placé sous le signe de la précarité. Le rêve de bonheur et d'absolu est sans cesse menacé car les éléments de la destruction (ruine, disparition, mort) l'emportent dès que le rêve semble prêt à se réaliser. [...]
[...] Tout meurt donc petit à petit ; le roman se passe principalement en hiver, et toutes les rencontres sont vouées à l'échec : Franz et Valentine, Augustin et Yvonne. De nombreuses femmes meurent dans le roman : la mère d'Yvonne puis Yvonne elle-même (peut être parce qu'elle est liée au merveilleux de la mort, Yvonne doit voir son destin culminer dans la mort Mais c'est surtout le rêve qui meurt et le désir d'absolu qui s'efface. Il s'agit d'un roman de la perte : perte du passé, de l'enfance, des lieux (le château de la fête est en ruine) L'écriture aussi se fragmente de plus en plus à travers le polygénérisme (lettres, journal intime, récit) qui brise la linéarité de l'écriture. [...]
[...] Une même réalité se transforme et laisse apparaître peu à peu son côté morbide. Le Grand Meaulnes dont le style, d'une exquise simplicité, ressuscite le monde même de l'enfance, ce temps de la vie où pénètre si naturellement le rêve. L'auteur a mêlé aux souvenirs d'un amour entrevu, qu'il fait revivre à travers le personnage d'Yvonne de Galais, les images de l'école, des jeux et des saisons, sous une lumière douce, favorable à tous les songes et à l'expression pudique et secrète de la quête nostalgique d'un absolu. [...]
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