La découverte et la conquête du continent sud américain par Cortès au début du XVIème siècle eut de lourdes conséquences certes pour les peuples conquis mais aussi pour certains Européens comme Jean de Léry ou Montaigne, radicalement changés par cette rencontre de l'altérité. Quatre cents ans plus tard, l'écrivain JM Le Clézio, condamnant la manière dont les Espagnols avaient réduit au silence les civilisations aztèques et amazoniennes, écrivait : « En détruisant les cultures amérindiennes, c'était une partie de lui-même que détruisait le conquérant, une part qu'il ne pourra sans doute jamais retrouver » (...)
[...] Et puis, cette époque était celle des grands royaumes européens prestigieux dont les cours toujours dépensières réclamaient de l'or. Le met d'ordre des rois catholiques espagnols Isabelle de Castille et Louis Ferdinand d'Aragon était : pillez et convertissez, mot d'ordre paradoxal s'il en est. Pourtant que n'eût-on pas gagné à mener autrement cette découverte du nouveau monde. Peut-être, comme le dit Le Clézio, cette part de lui-même que détruisait le conquérant et qu'il ne pourra jamais retrouver eût-elle été sauvée ? [...]
[...] Or, c'est exactement l'inverse qui se passa. Le redoutable processus de négation de l'autre dont on a parlé plus haut allait servir de modèle à toutes les conquêtes coloniales des 18ème et 19ème siècles, avec la terrible acculturation que l'on connaît imposée aux indigènes africains, australiens et asiatiques. Là encore, on le voit, c'est toute une série de pertes humaines et culturelles qu'allait subir en chaîne le conquérant européen, puis américain Enfin, et c'est peut être la part d'eux-mêmes la plus importante qu'ils aient perdue, c'est leur propre humanité qu'ils ont lésée et bafouée en niant celle de leurs semblables. [...]
[...] Même les inventions d'ordre intellectuel ou technologique ne faisaient pas défaut : mythes et légendes, calendrier plus précis que le calendrier julien encore en usage en Europe, système d'irrigation très perfectionné, toutes remarquablement empierrées et entretenues, travail raffiné de l'or et des bijoux etc. Même la médecine et notamment la connaissance très poussée des plantes médicinales ou des produits d'anesthésie était supérieure à celle des envahisseurs. Alors pourquoi avoir méprisé tout cela ? Pourquoi ne pas avoir comme le rêvaient les humanistes de l'époque, Montaigne et Erasme, privilégié l'échange des savoirs, l'enrichissement mutuel ? [...]
[...] Tout d'abord, les peuples amérindiens et notamment ceux de la forêt amazonienne avaient conservé une proximité avec la nature qu'ils respectaient, voire vénéraient et avec laquelle ils vivaient en parfaite harmonie, ne prélevant en elle que ce dont ils avaient besoin pour leur subsistance. En éliminant ou en méprisant cette sagesse, les Européens se sont privés d'un modèle de modération (peut-être même de modestie). Ils n'ont eu de cesse de d'exploiter toujours d'avantage la planète pour la dominer et en tirer profit. On constate aujourd'hui, face aux désastres écologiques, combien cette part d'humanité soucieuse de la préservation du monde a profondément manqué aux occidentaux. [...]
[...] Quatre cents ans plus tard, l'écrivain JM Le Clézio, condamnant la manière dont les Espagnols avaient réduit au silence les civilisations aztèques et amazoniennes, écrivait : En détruisant les cultures amérindiennes, c'était une partie de lui-même que détruisait le conquérant, une part qu'il ne pourra sans doute jamais retrouver En fait, pour bien saisir la portée de son affirmation paradoxale, il convient de se référer à la définition complexe que le sociologue Tzvetan Todorov donne de l'altérité dans La Conquête de l'Amérique, La question de l'Autre, écrit en 1982. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture