Le Cid est une tragi-comédie du 17ème siècle écrite par Corneille, qui relate les exploits de Don Rodrigue, jeune noble espagnol. Le conflit entre Don Gormas, père de Chimène, et Don Diègue, père de Rodrigue, qui se disputent le titre de précepteur du fils du Roi, a mené Don Gormas à insulter Don Diègue. Trop âgé pour se venger, celui-ci a remis ce devoir à Rodrigue. Promis à Chimène, dont il est amoureux, le jeune homme est ici face à un choix déchirant : doit-il venger son père ou renoncer, pour l'amour de Chimène, à punir Don Gormas ? Le texte étudié est le monologue délibératif de Rodrigue, qui s'interroge dans ces stances sur la décision à prendre (...)
[...] Allons, mon âme ; et puisqu'il faut mourir, Mourons du moins sans offenser Chimène. Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ! Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison ! Respecter un amour dont mon âme égarée Voit la perte assurée ! N'écoutons plus ce penser suborneur, Qui ne sert qu'à ma peine. Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur, Puisque après tout il faut perdre Chimène. Oui, mon esprit s'était déçu. [...]
[...] Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse Rodrigue devient le lieu d'un affrontement entre deux systèmes de valeurs, celui de l'« honneur et celui de l'« amour Ce combat intérieur l'affecte, comme le disent les métaphores de la blessure qui transposent sur son corps ce qui se déroule dans son âme : percé jusques au fond du cœur mon âme cède au coup qui me tue Ce dilemme est par lui analysé dans tous ses aspects, et le combat de ces valeurs soudain contradictoires s'exprime par des constructions binaires -des antithèses par exemple : Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse. Il faut venger un père, et perdre une maîtresse. [...]
[...] Si près de voir mon feu récompensé, Ô Dieu, l'étrange peine ! En cet affront mon père est l'offensé, Et l'offenseur le père de Chimène ! Que je sens de rudes combats ! Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse : Il faut venger un père, et perdre une maîtresse. L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras. Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, Ou de vivre en infâme, Des deux côtés mon mal est infini. Ô Dieu, l'étrange peine ! [...]
[...] Les héros cornéliens ne sont pas seulement de vaillants personnages, ils sont aussi de brillants orateurs. On peut ainsi dégager la structure rhétorique du texte : la 1ère strophe correspond à l'exorde, c'est une introduction qui expose le cas discuté : Rodrigue informe le public de sa souffrance. Dans la strophe 2 et dans la 1ère partie de la strophe il se livre à une confirmation en exposant, de manière encore désordonnée (cf. l'énumération hétéroclite père, maîtresse, honneur, amour les termes de son dilemme, et pose des questions qui restent encore sans réponse. [...]
[...] Faut-il punir le père de Chimène ? Père, maîtresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie. L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour. Cher et cruel espoir d'une âme généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Il vaut mieux courir au trépas. Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père ; J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ; J'attire ses mépris en ne me vengeant pas. [...]
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