La fin du XIXe siècle vit s'épanouir de nombreux poètes dits "mineurs", pleins de charme, mais qui n'ont pas atteint la notoriété de leurs prestigieux contemporains. Ils s'appelaient eux-mêmes "les décadents". Passé comme un météore, Jules Laforgue est un de ceux-là. Le poème proposé n'a pas de titre. Il raconte la rêverie du poète, lassé de la vie, qui s'évade en observant la fumée de sa cigarette. Le sonnet, régulier en apparence, favorise cette évasion. Sous une forme légère, il exprime un fort désespoir (...)
[...] La pensée est libre, sans logique rigoureuse, mais le poète est conscient. Il ne s'agit pas du rêve qu'on fait en dormant. Aussi, les phrases sont-elles construites avec une certaine liberté, comme des élisions ; quant à l'autre, sornettes De même, les activités des hommes sont-elles brutales, comme le vers 5 haché en quatre membres. Au contraire, la rêverie se développe en une longue phrase en trois vers : Moi, le méandre Pourtant, cette phrase commence d'une façon familière, comme dans la langue parlée, qui met en avant non pas le sujet du verbe, mais le propos le plus important, et le mouvement de la pensée : le moi s'élargit vers les sensations démultipliées que procurent mille cassolettes Le poète se laisse donc aller progressivement à une douce rêverie qui lui permet de s'évader du réel rejeté Une vision du réel a. [...]
[...] Ils s'enchaînent ainsi les uns aux autres harmonieusement. Le sommet étant atteint par l'adjectif infinie qui est valorisé par la diérèse finale et sa place à la césure, remarquée car placée après la neuvième syllabe. On prononce légèrement le e ce qui se traduit plutôt par un ralentissement et renforce le sens de l'adjectif. Le poème semble ainsi une application de la belle devise de l'art poétique de Verlaine, De la musique avant toute chose une musique paradisiaque évidemment ! [...]
[...] L'au-delà Le poète n' même pas la consolation d'une vie ultérieure. Cette éventualité est écartée d'une boutade quant à l'autre, sornettes Ce rejet ne mérite pas d'argumentation ni de verbe, ne se discute pas. Le premier vers, dans sa tournure familière, s'avère un préalable définitif sur lequel se construit la rêverie consolatrice. Enfin, le ciel qui n'existe pas est donc vide de divinités. Parler de dieux comme au vers Je fume au nez des dieux de fines cigarettes, revient à leur nier existence puisque le pluriel évoque de vagues croyances. [...]
[...] Mais en fait, le poème s'est fait tout seul, et il est comme mis en abyme. La rupture avec le rêve est nette, puisque les tercets ne sont pas conformes au schéma classique, qui veut qu'en fait ils soient unis par les rimes et par le sens. On doit retrouver un quatrain et un distique, or ici, c'est le cas pour les rimes, de type CDD CEE mais pas pour le sens et la syntaxe, les deux tercets étant séparés par un point. [...]
[...] De même, le poète savoure ses cigarettes et accorde la fumée aux divinités. Mais l'expression au nez des a aussi une connotation ironique, comme si on les narguait en ne partageant pas le plaisir. L'expression traduit donc un double insolence, sur la nature du sacrifice et sur l'absence de respect. c. Le poète est à l'écart Les quatrains ont la même structure : le premier vers observe l'environnement, ce monde au vers : Oui ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes Allez, vivants au vers Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes. [...]
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