« Où courez- vous, bonnes gens? Là-bas, assez loin d'ici, par le monde, à travers les arrondissements de Paris et peut-être la banlieue ». Hippolyte Parigot, critique dramatique contemporain de Labiche, met ici en évidence le caractère vivant du théâtre de vaudeville qu'il nomme la "comoedia motoria" à savoir la comédie mouvementée, en opposition à la comoedia stataria des Anciens, plus calme. Cette dimension vaudevillesque est également révélée étymologiquement ; le mot vaudeville est, en effet, formé à partir de deux verbes "vauder" signifiant aller et "virer" (tourner). Le vaudeville est, en outre, une pièce légère entrecoupée de ballets et chansons comiques, relatant des anecdotes satiriques et développant des thèmes assez immoraux comme ceux de la farce, comme ici l'infidélité conjugale. Ce genre théâtral, où l'aspect scénique est très important, aspect participant au divertissement du spectateur, est toutefois bien construit, l'intrigue progresse à grands renforts de quiproquos et coups de théâtre. Un Chapeau de paille d'Italie regroupe toutes ces caractéristiques vaudevillesques et l'intrigue y est farfelue: Fadinard doit retrouver un chapeau de paille identique à celui que son cheval a mangé afin de sauver l'honneur de la femme mariée qui le portait. Cette intrigue va amener Fadinard à repousser sans cesse les obstacles s'y opposant, à suivre aveuglément ce but. L'extrait à l'étude concerne l'ultime obstacle, le chapeau convoité s'accroche à un réverbère sous les yeux du mari trompé. Fadinard parvient finalement à le récupérer et à en coiffer Anaïs, ce qui amène le dénouement de l'intrigue.
On peut se demander dès lors pourquoi l'objet prend-t-il le pas sur la parole dans cette scène. L'objet conduit le mouvement, il est le fil conducteur de l'action. En outre, cette action oriente le langage dramatique et favorise l'absence de communication réelle. Enfin, on assiste à une supériorité de l'objet sur la parole initiatrice de raisonnements, ainsi les personnages sont également réduits au statut d'objet. (...)
[...] (Il lui enfonce son chapeau sur les yeux. Au même instant la corde est coupée. Le réverbère tombe.) BEAUPERTHUIS: Ah!". Ici on remarque que la didascalie décrivant l'action du comédien initie la parole, ce n'est pas une didascalie portant sur la manière dont la parole serait dite mais elle la dirige comme l'indique l'exclamation: soulignant l'étonnement de la vue et le rappel concret de l'objet de l'intrigue par le pronom démonstratif "ça". A la lecture on imagine déjà le personnage désignant l'objet du doigt. [...]
[...] Le comique est également présent par la forme que prend ce chant composé d'exclamations et de questions rhétoriques, une forme pleine d'emphase propre au vaudevillesque et en décalage avec le reste du dialogue théâtral. Il y a aussi décalage dans la réaction à cette chute: les habitants veulent dresser un procès-verbal sans comprendre ce qui se passe. On observe ainsi un aspect mécanique dans la réaction de cette foule. L'action créée par les didascalies fait avancer l'intrigue et crée le comique de situation. Ainsi la prédominance de l'action nécessaire dans la quête de l'objet favorise une absence de communication. [...]
[...] (Il saute de nouveau.) Beauperthuis. - Qu'avez-vous donc à sauter, monsieur? Fadinard. - Des crampes . ça vient de l'estomac. Beauperthuis. - Parbleu! je vais interroger ce factionnaire . Anaïs, à part. - Dieu! Fadinard, le retenant brusquement. - Non, monsieur . c'est inutile. part, regardant Emile.) Bravo! . [...]
[...] - Vous colleter dans les rues, à une pareille heure! Beauperthuis. - Paille de Florence! Fadinard. - Et des coquelicots. Anaïs. - Me laisser rentrer seule . à minuit, quand, depuis ce matin, je vous attends chez ma cousine Eloa . Beauperthuis. - Permettez, madame, votre cousine Eloa . Fadinard. - Elle a le chapeau! Beauperthuis. - Vous êtes sortie pour acheter des gants de Suède . On ne met pas quatorze heures pour acheter des gants de Suède . [...]
[...] Beauperthuis. - Mais, encore une fois, messieurs . Anaïs, le chapeau sur la tête, s'approchant, les bras croisés et avec dignité. - Ah! je vous trouve donc enfin, monsieur! . Beauperthuis, pétrifié. - Ma femme! . Anaïs. - Voilà donc la conduite que vous menez? . Beauperthuis, à part. - Elle a le chapeau! Anaïs. [...]
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