Commentaire composé intégralement rédigé de la fable de La Fontaine intitulée "Les deux Coqs" avec le texte de la fable d'Esope ("Les deux Coqs et L'Aigle") et celui de la fable de La Fontaine. Le commentaire comprend une introduction, trois parties (avec pour chacune une introduction partielle, un développement et une conclusion / transition) et une conclusion.
[...] Mais c'est surtout la dramatisation du récit qui tient le lecteur en haleine : La Fontaine fait du combat de deux coqs une véritable guerre qu'il transforme en un spectacle (v.8) à suspens : Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint. Notons du reste que le poète modifie considérablement le canevas d'Ésope en créant une situation initiale (paix originelle) qui n'existe pas chez le fabuliste grec, pour mieux marquer le contraste avec l'étape suivante : l'entrée en guerre. Le coup de théâtre final (v.21-22) achève de faire de cette rivalité une intrigue à rebondissements éminemment passionnante. [...]
[...] La Fontaine joue d'ailleurs sur les sonorités aux v.26-27 (allitération en pour imiter le caquètement des poules, justement évoqué au v.27 caquet et jouer ainsi davantage encore sur le mélange des caractéristiques humaines et animales. Or aux thèmes éternels de l'orgueil et des revirements de fortune qu'il emprunte à Ésope, La Fontaine trouve une forme hautement adaptée, puisqu'il relate l'intrigue en un récit au registre dramatique et dont le rythme vif et alerte rend particulièrement sensible les retournements du sort. [...]
[...] La Fontaine met aussi en évidence avec humour que l'orgueil est un vice inhérent à la nature humaine, puisque le second coq, bien que prévenu contre ce travers par la mésaventure de son rival, cède au même penchant en revenant faire le coquet par un fatal retour : on peut aussi entendre par cette dernière expression aux allures de constat tragique qu'il était inévitable que le deuxième coq, présenté comme tout aussi orgueilleux que le premier si l'on en juge à sa jalouse rage (v.18), revînt se pavaner devant l'assemblée des poules. Sans doute est-il possible pour le lecteur de l'époque de faire un parallèle entre la basse-cour et la Cour et de lire dans cette fable un avertissement contre l'orgueil des Grands : le roi lui-même ne vient-il pas de remporter une victoire européenne, consacrée par la paix de Nimègue ? Ne multiplie-t-il pas les conquêtes tant militaires que galantes? [...]
[...] En écrivant Les deux Coqs La Fontaine se donne donc deux modèles, auxquels il fait subir un sort très différent. À Ésope, il emprunte le sujet de la fable et son intrigue, qu'il développe en lui accordant une dimension philosophique supplémentaire ; aux genres nobles de l'antiquité et surtout à Homère, le style et les valeurs épiques qu'il parodie grâce au registre héroï-comique. Cette fable est ainsi le récit allégorique, vif, dramatisé et plaisant, d'un conflit de basse-cour, que le fabuliste compare de manière parodique à celui d'une épopée, pour stigmatiser les valeurs héroïques traditionnellement associées à celle-ci, et, de la sorte, réussir la prouesse qui consiste à proposer en seulement trente-deux vers une position complexe et nuancée, à la fois dans le domaine de la politique, de la morale, de la sociabilité et de la philosophie. [...]
[...] On a vu en effet que cette fable pouvait être comprise comme un avertissement pratique à l'adresse des courtisans. De plus, il est apparu que la parodie de l'épopée était l'occasion d'une remise en cause des valeurs de ce genre, valeurs et genre qui sont encore prépondérants au Moyen-Âge, si l'on considère le succès de La Chanson de Roland, mais valeurs qui ont été supplantées par la bienséance, la prudence, l'humilité et la juste mesure, dont les auteurs classiques sont les chantres. [...]
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