Commentaire composé sur la fable de Jean de La Fontaine intitulée "La Laitière et le Pot au lait", extraite du recueil Fables.
[...] Quelque chose comme Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué Or il n'est pas question de cela. Le défaut de Perrette n'est jamais présenté comme un vice épouvantable et le ton du récit incite davantage à sourire qu'à écouter une leçon de morale. Les deux questions rhétoriques qui introduisent la moralité maintiennent cette impression de légèreté : elles sont construites sur des expressions imagées (battre la campagne, faire des châteaux en Espagne) qui évoquent l'évasion et la liberté. Quel est donc le travers qui a fait le ridicule de Perrette ? [...]
[...] Le constat amusé des travers humains En effet, la moralité des vers 30 à 43 n'est pas à proprement parler une morale c'est-à-dire une leçon donnée au lecteur sur la conduite qu'il convient d'adopter. Certes l'auteur généralise le travers de Perrette à l'humanité entière, comme c'est l'usage dans les apologues : Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous, / Autant les sages que les fous tout le monde est concerné, les êtres de fiction comme les personnages historiques, les grands de ce monde et les simples paysannes, les guerriers et les femmes, les sages et les fous. [...]
[...] Enfin on ne peut pas exclure un dernier jeu sur la participe battue (vers 27) : si Perrette risque d'être battue par son mari, c'est aussi parce qu'elle n'a pas eu la sagesse de battre son lait et d'en faire du beurre; si elle avait fait du lait battu elle ne serait pas en grand danger d'être battue Tous ces jeux avec la langue et ces connotations grivoises créent une connivence avec le lecteur averti, qui reconnaît la vieille tradition paillarde et misogyne des fabliaux et des farces du Moyen-Âge. La Fontaine lui-même nous invite à y penser lorsqu'il conclut que Le récit en farce en fut fait (vers 28). Mieux encore, l'allusion à Picrodole le conquérant grotesque de Gargantua, place explicitement notre fable dans la lignée du comique rabelaisien : par ces références littéraires, La Fontaine crée chez le lecteur le plaisir de la connivence. [...]
[...] Son imagination s'emballe et les nombreuses occurrences du futur viennent signifier que Perrette se projette dans un avenir de plus en plus lointain : Le renard sera Le porc [ . ] coûtera J'aurai ce qui m'empêchera je verrai sauter Elle en oublie les objections possibles ou du moins les élude allègrement : même le regard mangeur de poules se plie à ses désirs. La progression est si rapide qu'à peine évoquée au futur, une étape devient aussitôt un passé : le porc à s'engraisser coûtera peu de son Il était quand je l'eus Le passé simple, dans sa brutalité, indique que l'achat du porc est définitivement une affaire classée. [...]
[...] Le narrateur nous invite à suivre des yeux le personnage en mouvement. Nous voyons d'abord, de loin, apparaître la silhouette caractéristique de la paysanne partant pour la ville, un pot de lait sur la tête : le détail du coussinet montre l'attention de l'auteur pour la réalité du monde paysan de son époque. La description du vêtement de Perrette confirme cette impression de précision réaliste et de justesse psychologique : une paysanne alerte, sans doute attentive à ce qu'elle porte mais n'hésitant pas à relever sa jupe pour pouvoir marcher plus allègrement, à grands pas Si elle court vêtue ce n'est pas par coquetterie mais par souci d'efficacité. [...]
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