Onze ans après la parution de ses premières Fables, La Fontaine publie en 1679 son Xème livre. L'originalité de celui-ci vient de l'affirmation du comportement identique des hommes et des bêtes, qui y est développée dans le « Discours à Monsieur le duc de La Roche Foucauld » (X,14). « La Lionne et l'Ourse » est le dixième apologue d'un livre qui en contient quinze, d'une longueur généralement beaucoup plus importante que par le passé, conformément à la volonté de l'auteur de détailler les « circonstances de personnes » (expression désignant tout ce qui permet de mieux connaître un personnage).
Écrite en alexandrins et octosyllabes, cette fable expose les malheurs de Mère Lionne qui, par ses plaintes bruyantes, ayant perdu son lionceau, perturbe la tranquillité de la forêt. L'Ourse vient alors lui rendre visite pour la raisonner, en lui montrant qu'elle aussi, tout comme les parents des enfants qu'elle a dévoré, doit taire son désespoir (...)
[...] Toutes deux puissantes, la Lionne et l'Ourse peuvent dialoguer sans crainte l'une de l'autre. D'où une argumentation dépourvue de toute contrainte et non-dits C'est au vers 9 que le nouveau personnage fait son apparition. L'imparfait est alors remplacé par le passé simple comme si l'Ourse interrompait brusquement la Lionne dans ses gémissements. L'adverbe enfin montre que la situation est devenue à telle point insupportable qu'une intervention s'est avérée nécessaire. L'Ourse vient s'adresser à la Lionne uniquement pour la prier de se taire. [...]
[...] Obnubilée par son seul sort, elle n'attache aucune importance celui des autres et n'a d'ailleurs rien à en craindre, puisqu'elle est la plus forte. Toutefois, la Lionne aura finit par payer le prix de son injustice : cette fable montre que l'offense finit toujours par se retourner contre l'auteur et que celui qui souffre du mal qu'il a commis ne doit pas protester Ainsi La Fontaine nous offre une fable animalière qui, en mettant en scène des personnages symboliques, dénonce indirectement des vices propres au genre humain, à savoir l'abus de pouvoir, l'injustice, la cruauté et l'hypocrisie. [...]
[...] En les humanisant, La Fontaine montre que les vices et travers qu'ils dépeints sont ceux des hommes. Dans cette fable, sont représentés des animaux puissants. La Lionne est la Reine des bois Sa puissance physique force le respect et la soumission de la quasi totalité des animaux. Le choix de prendre comme interlocuteur une Ourse n'est certes pas dû au hasard. Il s'agit d'une des rares créatures suffisamment vigoureuse pour ne pas avoir à craindre la Lionne. L'Ourse peut donc se permettre des familiarités en l'appelant, au vers Ma commère Le rapport de force équilibré permet l'échange de libres propos : elle n'hésite pas, nous verrons cela plus tard dans l'étude de l'argumentation de la fable, à poser des questions chargées d'implicite tous les enfants [ ] ni mère? [...]
[...] Les personnages brisent la monotonie du récit par le dialogue (vers 9 à21) et le font ainsi gagner en dynamisme. Grâce à cette polyphonie, ce sont les voix du narrateur, de la Lionne et de l'Ourse qui se succèdent. La ponctuation utilisée dans le dialogue donne vie elle aussi au récit : aux longues phrases entrecoupées par des virgules et terminées par des points d'interrogation de l'Ourse (vers 9 à 12 et 13 à 16) s'opposent les interjections de la Lionne Ah! [...]
[...] La Fontaine prend en exemple Hécube, épouse du roi Priam, qui fut prise en esclavage après la chute de Troie et vit mourir tous ses enfants. Le malheur de la Lionne, qui n'en a perdu qu' comme celui de nous tous, est donc relatif. Le futur de l‘indicatif («rendra ainsi que le conseil appuyé du vers 26 Qu'il considère Hécube ne permettant aucune réplique possible, possèdent une valeur péremptoire. La leçon explicitement formulée dans la fable n'est pas la seule. [...]
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