Jean de La Fontaine, au XVIIème siècle, a voulu remettre au goût du jour le genre de la fable ; il s'est pour cela beaucoup inspiré des auteurs antiques, et de la tradition du symbolisme animalier, mais il a su varier ses sources et se tourner parfois vers une création plus originale. "L'huître et les plaideurs", publiée en 1671 dans le recueil des Fables nouvelles, puis reprise dans le livre IX des Fables, met en scène deux voyageurs se disputant une huître, et se trouvant départagés par un juge qui mange l'huître pour ne leur laisser que les écailles ; ce sujet a été traité aussi par Boileau dans ses Epîtres (II,5). Cette fable offre une satire saisissante de la justice : comment l'art du récit se met-il au service de cette satire ? (...)
[...] La Fontaine, L'huître et les plaideurs Fables, IX : commentaire. Texte étudié L'huître et les plaideurs Un jour deux Pèlerins sur le sable rencontrent Une Huître que le flot y venait d'apporter : Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ; A l'égard de la dent il fallut contester. L'un se baissait déjà pour amasser la proie ; L'autre le pousse, et dit : Il est bon de savoir Qui de nous en aura la joie. Celui qui le premier a pu l'apercevoir En sera le gobeur ; l'autre le verra faire. [...]
[...] Ce personnage, le seul à avoir un nom, arrive fortuitement. Ce n'est que sur l'initiative des pèlerins qu'il devient juge de l'affaire : ils le prennent pour juge ; dès lors, il se conforme à son rôle, il agit fort gravement prend un ton de président et truffe son discours de termes juridiques, comme la cour (pour se désigner lui- même) ou sans dépens (frais de justice). C'est à un simulacre de procès que le lecteur assiste. La justice Cette parodie de procès est cependant révélatrice du fonctionnement de la justice. [...]
[...] L'importance du dialogue A l'intérieur du récit se trouvent de nombreuses paroles rapportées au style direct. Le dialogue est l'un des éléments privilégiés par l'auteur pour rendre son récit plus intéressant, plus vivant. Mais ce n'est pas la seule justification du long dialogue central : celui-ci n'amenant aucun résultat, c'est l'utilité de la parole elle-même qui est mise en question. Elle apparaît pour se substituer à la violence physique, car le pèlerin dit juste après avoir pouss[é] son compagnon, mais devient elle- même l'expression de la perversion des rapports : le dialogue ne fonctionne que sur des reprises, des répétitions, comme en témoigne le champ lexical de la vue, avec apercevoir verra vue (deux fois), œil l'enjeu de la discussion étant de déterminer qui a vu l'huître en premier pour pouvoir la manger. [...]
[...] Mais la justice est paradoxale : si elle est indispensable à la société, elle est en fait nuisible pour les particuliers qui ont recours à elle, et La Fontaine se montre très virulent dans la satire des juges, représentants du système judicaire. [...]
[...] La Fontaine a choisi d'inscrire sa fable dans le registre ironique. Ce choix est à mettre en corrélation avec la visée de ce texte, qui est satirique. Nous allons dans cette dernière partie analyser la critique présente dans la fable. III. La satire Perrin Dandin : un juge ? La satire dans la fable passe par le choix du personnage qui incarne la justice. Chez Boileau qui traite le même sujet, la justice n'est pas incarnée par un personnage, elle n'est qu'allégorie, avec sa balance. [...]
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