Après avoir défait courageusement une flotte anglaise, l'intrigue bretonne vient de prendre fin et l'Ingénu se rend à Paris afin d'y obtenir récompense et autorisation royale de mariage avec Mlle de Saint-Yves. Le chapitre VIII le décrit arrivant à Saumur, ville du centre de la France qui contenait de nombreux protestants.
En plaçant son récit au temps de la révocation de l'Édit de Nantes et en l'agrémentant d'authentiques précisions historiques, Voltaire dénonce ici les sévères tensions religieuses de l'époque (...)
[...] Louis XIV est soumis à des influences ecclésiastiques catholiques farouchement hostiles aux protestants (c'est l'allusion au père de La Chaise, ligne 40, jésuite et confesseur de Sa Majesté). L'influence du ministre de la guerre de Louis XIV est également évoquée : Mons de Louvois nous envoie de tous côtés des jésuites et des dragons (lignes 42- d'autant que Voltaire jubile avec la désignation familière et méprisante de Monseigneur (Mons). On peut y lire une condamnation de la présence et du rôle des jésuites à la cour du Roi. Par ailleurs, Voltaire reprend l'allusion à Guillaume d'Orange (le roi Guillaume, ligne souverain à l'origine du chapitre précédent. [...]
[...] Alors un petit homme noir prit la parole, et exposa très savamment les griefs de la compagnie. Il parla de la révocation de l'édit de Nantes avec tant d'énergie, il déplora d'une manière si pathétique le sort 20 de cinquante mille familles fugitives et de cinquante mille autres converties par les dragons que l'Ingénu à son tour versa des larmes. D'où vient donc, disait-il, qu'un si grand roi, dont la gloire s'étend jusque chez les Hurons, se prive ainsi de tant de cœurs qui l'auraient aimé, et de tant de bras qui l'auraient servi ? [...]
[...] Il faut rappeler qu'à cette époque, le France de Louis XIV était donc catholique alors que l'Angleterre était protestante. Sous l'influence de Guillaume d'Orange, roi de Hollande qui accéda à la couronne d'Angleterre en 1689 sous le nom de Guillaume III, la guerre entre les deux pays avait débutée en 1688 et le souverain anglais avait composé plusieurs régiments de ces mêmes Français qui auraient combattu pour leur monarque (lignes 29-30). III- Les dénonciations de Voltaire Leurs outils Outre les détails historiques bien réels qui permettent d'encrer le récit dans les contextes religieux et politiques dénoncés, Voltaire utilise : - la psychologie de l'Ingénu Le lecteur s'aperçoit immédiatement de sa méconnaissance totale des réalités occidentales et en particulier de celle de la religion. [...]
[...] T E X T E Chapitre VIII L'Ingénu va en cour. Il soupe en chemin avec des huguenots. L'Ingénu prit le chemin de Saumur par le coche parce qu'il n'y avait point alors d'autre commodité. Quand il fut à Saumur, il s'étonna de trouver la ville presque déserte, et de voir plusieurs familles qui déménageaient. On lui dit que, six ans auparavant, Saumur contenait plus de quinze mille âmes, et qu'à présent il n'y en 5 avait pas six mille. [...]
[...] Œuvre tardive de Voltaire, âgé de soixante-treize ans lors de sa publication, L'Ingénu a été longuement mûrie et l'auteur y fait apparaître les dysfonctionnements de la justice et le fanatisme religieux de la société de son temps. Il semble bien qu'elle ait été motivée par l'exécution cruelle le 1er juillet 1766 d'un jeune homme, le chevalier de La Barre, à qui il était reproché, sans que l'on disposât de preuves, d'avoir participé à une mutilation de crucifix installé sur un pont, et de ne pas s'être découvert sur le passage d'une procession du Saint-Sacrement. [...]
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