Ahmadou Kourouma, auteur ivoirien, fut l'un des piliers de l'écriture africaine de ces trente dernières années. Avec seulement trois romans publiés en vingt-huit ans, l'écrivain s'est imposé comme l'un des dénonciateurs les plus lucides des souffrances de l'Afrique noire. En 1970, il publie son premier roman Les Soleils des Indépendances, qui porte un regard très critique sur les gouvernants de l'après-décolonisation ; en somme, une véritable satire politique. C'est un livre qui rompt avec le style très classique des auteurs africains de l'époque : il traduit le malinké, sa langue natale, en français et casse la langue afin de restituer le rythme africain (...)
[...] Ces dictons malinkés témoignent des dangers, et de la vie risquée durant cette époque des indépendances. Enfin, il convient aussi d'évoquer le dialogue qui orne ce texte, et qui fait aussi partie de cet aspect oral. Ainsi, la conversation entre Balla et Fama, au moment de son départ, peut représenter le maître et son élève. De plus, le discours direct indique, par le biais des pronoms personnels je et tu la marque de proximité entre les deux personnages. Balla recommande à Fama d'être prudent. Par ailleurs, la durée du voyage semble trop longue pour Balla. [...]
[...] ] ; tu te devais [ ] Nous comprenons alors que le narrateur réprimande le choix de Fama d'aller contre le sort ; c'est ce que nous pouvons voir à travers l'expression : Ignorant comme tu étais des vieilles choses et aussi aveugle et sourd dans le monde invisible des mânes et des génies [ ] tu te devais d'écouter le vieux féticheur Par ailleurs, malgré la prédiction de l'accueil de Salimata envers Mariam, Fama ne tient pas compte de cette situation tendue et ne se préoccupe que de lui, de son avenir, de son profit. Et c'est donc cette exclamation s'y rapportant, qui illustre l'état de Fama : Une vraie entreprise de possédé ! En effet, selon le narrateur, pour agir de la sorte, pour aller à l'encontre du sort et emmener Mariam à Salimata, il ne peut être que possédé. Nous pouvons peut-être nous demander si Fama croit toujours aux traditions malinkées, puisqu'il ne les respecte pas ? [...]
[...] Fama, véritable prince, se doit de l'écouter. Cependant, celui-ci veut créer son propre destin et va à l'encontre de tous les signes du mauvais présage de ce voyage. Dans un troisième et dernier temps, nous allons parler de la décision de Fama quant à déroger aux règles traditionnelles malinkées ; ce qui le conduira tout droit vers le malheur. Il est vrai que celui-ci ne tient pas compte de l'étude effectuée sur son voyage : Maléfique, on renonce [ ] ; des sacrifices adoucissent le mauvais sort et même le détournent Le plus judicieux, serait d'y renoncer : le clair, le droit, le sans reste, le sans ennui, c'est arrêter un voyage marqué par le mauvais sort Une nouvelle fois nous retrouvons ici une énumération par gradation afin d'insister sur la gravité du sort. [...]
[...] Mais il lui incombe d'abord de prévenir ses proches de sa décision : Le voyage de Fama dans la capitale [ son retour près de Salimata, près de ses amis et connaissances pour leur apprendre son désir de vivre définitivement à Togobala, pour arranger ses affaires [ ] Cette proposition nous indique le caractère important de cette entreprise aux yeux de Fama. De plus, les locutions prépositionnelles près de et pour soulignent la répétition et l'insistance du projet que Fama veut accomplir pour sa destinée. Et il convient pour se faire, par respect et par honneur, de consulter ses proches. Cependant, nous pouvons voir dès le début du chapitre, notamment grâce au titre : Après les funérailles exaucées éclata le maléfique voyage que le voyage de Fama n'est pas de bonne augure. [...]
[...] Les Soleils des Indépendances évoque ces années où l'Afrique décide de prendre en main son destin. La décolonisation s'accompagne de joies, mais aussi et surtout d'un cortège de désillusions. Les bouleversements politiques ont modifiés un système établi depuis des générations. Si l'action du roman est transposée dans un pays imaginaire, on reconnaît une démocratie de façade avec un parti unique, des élections truquées, une justice sommaire. Pour se protéger de tout cela, on multiplie les divinités, les rites et les sacrilèges qui ne finissent pourtant pas de conjurer les malheurs. [...]
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