Tout au long de Jacques le Fataliste, les histoires amoureuses s'enchaînent : celles de Jacques, puis de son Maître, de la pâtissière et de son amant, de Mme de La Pommeraye et du Marquis des Arcis, de Frère Jean, du Père Ange, de l'Abbé Hudson la fable de la gaine et du coutelet,... On pourrait citer aussi une autre forme de passion : celle du capitaine de Jacques et de son camarade.
Peu de récits n'en contiennent pas : on pense à l'histoire du poète de Pondichéry, au récit du voyage des deux personnages principaux.
Cet amour est marqué par deux caractéristiques principales : la passion et le sexe. La passion aveugle certains personnages, les entraîne dans des aventures qu'ils ne maîtrisent pas, dans des tromperies dont ils sont victimes. C'est le cas du Maître avec Agathe et le Chevalier de Saint-Ouin, ou de la pâtissière et de son amant (...)
[...] L'histoire du Maître rapportant les deux moitiés de l'anneau d'une femme qui se séparent, alors que son mari est sur la table d'opération, montre aussi l'affection sincère de celle-ci envers son mari qu'elle pense décédé : cette femme en pensa mourir Les passions ne sont pas idéalisées dans Jacques le Fataliste : elles peuvent être autres que celles entre deux êtres humains : l'hôtesse a la passion de la parole, comme Jacques ; le chien de l'hôtesse, Nicole, a un amoureux ! Par ailleurs, la passion s'avère souvent destructrice pour ceux qui la vivent. Il en est ainsi de Mme de la Pommeraye qui va élaborer un plan qu'on pourrait presque qualifier de diabolique pour se venger du Marquis des Arcis qui lui a été infidèle. La passion va la conduire à mener le Marquis exactement où elle avait envisagé de le conduire, résistant aux deux femmes qui auraient accepté même uniquement la moitié de la fortune du Marquis. [...]
[...] Le Marquis des Arcis fait enrager Mme de la Pommeraye à cause de ses multiples aventures. Les religieux eux-mêmes s'abandonnent aux plaisirs de la chair : l'abbé Hudson accumule les conquêtes et se retrouve l'objet d'une enquête pour cette raison. Dès lors, peut-on parler de roman d'amours (au pluriel), en admettant que ces histoires constituent la trame principale des intrigues de Jacques Le Fataliste ? Ou ce thème n'est-il qu'un prétexte, qu'un thème majeur sans incidence sur la trame générale du roman ? Et peut-on parler véritablement d'amour ? [...]
[...] Face à cette littérature qui n'évoque pas du tout le désir sensuel, qui met à l'honneur le discours de séduction galant, qui montre des personnages qui se refusent à leurs passions (pensons encore à certaines héroïnes de Racine), Diderot rompt de manière catégorique : le corps et les désirs qu'il suscite sont réhabilités, la fidélité n'est pas défendue comme une valeur essentielle, et les passions ne sont ni honnies ni élevées au rang de sentiments supérieurs. [...]
[...] Jacques la regardait faire et s'enivrait d'amour. Puis Denise se mit à frotte avec sa flanelle sur la blessure même, dont la cicatrice était encore rouge, d'abord avec un doigt, ensuite avec deux, avec trois, avec quatre, avec toute la main. La passion de Jacques, qui n'avait cessé de la regarder, s'accrut à un tel point, que, n'y pouvant plus résister, il se précipita sur la main de Denise et la baisa Le retardement incessant du récit, par les interruptions incessantes (du récit des amours de Jacques, d'où le refrain Jacques, et tes amours ? [...]
[...] L'amour aveugle, et n'est pas souvent réciproque dans Jacques le Fataliste Les femmes se révèlent d'ailleurs bien souvent machiavéliques, manipulatrices. Le récit concernant le capitaine de Jacques et son camarade résume bien cette ambivalence : la ressemblance entre les deux personnages devait produire ou la sympathie, ou l'antipathie la plus forte : elle produisit l'une et l'autre Certes, on pourrait parler d'amitié, mais elle est marquée par toutes les caractéristiques de la passion : sautes d'humeur, éloignement insupportable des deux personnages, don de ses biens, attention aux souffrances de l'autre L'amour est à la fois rapprochement fusionnel et duel dans Jacques le Fataliste II- Les fonctions de l'amour Un thème fédérateur : * Un thème fédérateur de nombreux récits : il permet de répondre à l'entremêlement des différents récits secondaires et principaux, au-delà des interruptions et digressions incessantes. [...]
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