Commentaire composé de la scène finale de l'Acte III de Rhinocéros (1959) de Eugène Ionesco. Ionesco n'aime pas les conventions et "Rhinocéros" en témoigne fortement : la pièce est peuplée de Rhinocéros. Elle commence en comédie pour finir en drame tragique et fantastique. Ce commentaire explique la dernière scène de la pièce, et met en valeur ce qui constitue son originalité.
[...] Ici, tout reste au contraire en suspens. Certes Bérenger décide, in fine, de résister je ne capitule pas ! l.29) et la modalité affirmative vient supplanter dans la fin de l'extrait les abondantes négations initiales Je me défendrai, je suis, je le resterais Mais cette décision semble fragile. En effet, peu de temps auparavant, le personnage martelait sa volonté de conformisme Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement l.22-23). En un brusque sursaut (l.25), il fait volte-face. [...]
[...] Le désir d'animalisation du personnage se lit également dans l'évocation de la parole. Le verbe barrir (l. 18) cherche à supplanter le verbe hurler (l. 18) et les gestes de Bérenger au début de l'extrait sont plus commandés par l'instinct que par la raison puisqu'il jette par terre avec fureur les tableaux (l. 4-5). Ainsi, le motif d'une difformité inquiétante est au cœur de la scène et une atmosphère fantastique traverse donc le dénouement. B. Une scène comique A ce registre fantastique, s'ajoute un registre comique. [...]
[...] Rhinocéros, Acte III scène finale (Eugène Ionesco) Introduction Eugène Ionesco n'aime pas les conventions : Rhinocéros, pièce en trois Actes publiée et jouée en 1959, en témoigne. Le dramaturge y construit une esthétique de la subversion : la pièce est peuplée de rhinocéros, résonne d'onomatopées bestiales, commence en comédie pour finir en drame tragique et fantastique. Le dénouement est à l'image de cet anti- conformisme théâtral : Bérenger, anti-héros médiocre, se retrouve le dernier homme à lutter contre la rhinocérite. [...]
[...] Une scène tragique Mais le personnage de Bérenger, s'il semble pouvoir prêter à rire, revêt une dimension tragique. Héros solitaire, il lutte contre un destin qui cherche à le broyer. Ce destin qui le menace, c'est le conformisme. Le personnage rêve en effet d'être comme les autres. Les interjections Oh ! et l'intensif comme (l. soulignent l'admiration fascinée que ressent le protagoniste pour ces rhinocéros si différents de lui. A l'inverse, l'interjection de déploration hélas (l. 21) et le conditionnel qui exprime l'irréel font entendre tout le désespoir de Bérenger, qui vit sa différence comme une souffrance. [...]
[...] Cependant, tel un héros tragique, il ne se résigne pas. Les ultimes paroles de la pièce montrent ce ressaisissement spectaculaire du héros : l'adjectif brusque (l.25) dit la soudaineté de cette révolte. Le geste de Bérenger tout en criant le mue en héros conquérant, prêt à mourir pour défendre sa différence. Le lexique du combat carabine, défendrai, capitule l.24 et 26) dit sa détermination à agir, à résister. Finalement, le je qui aspirait à se fondre dans un nous rassurant, affirme sa singularité absolue : le pronom personnel de la première personne résonne ainsi à cinq reprises dans les ultimes paroles proférées par le héros. [...]
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