Dans la troisième et dernière partie d'Illusions perdues, Lucien revenu à Angoulême après son cuisant échec parisien, voit ses derniers espoirs anéantis par l'arrestation de son beau-frère. Même si c'est à tort que sa famille et lui-même pensent qu'il est responsable de la catastrophe, il reste qu'elle est largement due à ses errements parisiens. Désespéré, maudit par sa mère, lâché par tous, le héros, résolu au suicide, écrit une lettre d'adieu avant de quitter l'imprimerie familiale (...)
[...] L'eau n'est plus ni verte, ni bleue, ni claire, ni jaune ; elle est comme un miroir d'acier poli. Les bords de cette coupe n'offraient plus ni glaïeuls, ni fleurs bleues, ni les larges feuilles du nénuphar, l'herbe de la berge était courte et pressée, les saules pleuraient autour, assez pittoresquement placés tous. On devinait facilement un précipice plein d'eau. Celui qui pouvait avoir le courage d'emplir ses poches de cailloux devait y trouver une mort inévitable, et ne jamais être retrouvé. [...]
[...] A un bref retour en arrière marqué par le plus-que-parfait Il avait d'abord pensé qui évoque la simplicité du dessein initial de Lucien, succède une anticipation morbide. Le personnage se met en scène, ou plutôt met en scène son cadavre. La force de cette rêverie complaisante est marquée par les verbes de perception il entendit il vit Il y a insistance sur la publicité de sa mort ignominieuse : tapage spectacle objet d'une enquête Ce qui est insupportable à Lucien est de l'ordre du paraître, de la représentation pourrait-on dire. [...]
[...] Il y a une véritable hantise du personnage face au devenir de son corps : seule l'eau stagnante, élément maternel assurera le repos et le secret. Face à l'image du corps déchu, les illusions romantiques forment comme un rempart qui rend supportable l'idée de la mort. Conclusion : Cet extrait est emblématique de l'écriture de Balzac qui mêle souvent récit et discours, qui intrique fiction romanesque et remarques générales. Le lien entre l'un et l'autre est étroit, et ici le développement sur le suicide prépare le retour au récit. [...]
[...] Premier mouvement (lignes 1 à13) Au début de l'extrait, le narrateur interrompt le récit alors même qu'il s'agit d'un moment particulièrement dramatique. Le héros en proie à une déréliction complète fuit la maison familiale pour mettre fin à ses jours. C'est donc une action capitale qui s'interrompt pour faire place à un discours général sur le suicide. Le romancier fait place comme bien souvent dans Illusions perdues à l'observateur de la société, celui qui explique au présent de vérité générale. [...]
[...] Le rapprochement est d'autant moins anodin que la fable du suicide de Rousseau était vivante au début du XIXe siècle comme le montre la mention qu'en fait Balzac un peu plus haut. Lucien est la victime consentante de ce romantisme de bazar : il se complaît dans l'image comme le montre l'adverbe pittoresquement A travers son personnage, c'est donc une certaine image du romantisme que Balzac met ici en question. D'ailleurs la caractérisation du lieu qualifié de joli petit paysage souligne la disproportion entre la réalité de l'endroit et l'emphase décalée du héros : Voilà [ ] un endroit qui vous met l'eau à la bouche d'une noyade. [...]
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