Corneille, "L'Illusion comique", Acte IV scène 7 : le monologue de Clindor - publié le 03/09/2009
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L'illusion comique, pièce du dramaturge Corneille, est à la rencontre de plusieurs genres théâtraux comme l'auteur l'annonce lui-même dans sa préface : "Le premier acte n'est qu'un prologue, les trois suivants font une comédie imparfaite, le dernier est une tragédie, et tout cela cousu ensemble fait une comédie". En réalité cette pièce relève plus de la tragi-comédie.
La scène 7 de l'Acte IV constitue un monologue du personnage de Clindor, qui se caractérise par son inconstance amoureuse : il éprouve une réelle hésitation amoureuse entre Isabelle, une jeune femme de bonne famille, et sa suivante, Lyse (...)
Sommaire
Introduction
I) Clindor est coupable d'aimer
A. Il prend conscience de son amour pour Isabelle B. Analogie avec la littérature courtoise C. Clindor est condamné
II) Fatalité sociale et solitude
A. Clindor est une victime B. Le jeune homme éprouve une grand solitude
III) Un personnage nerveux et angoissé
A. Il anticipe la scène du procès et de la sentence B. Une panique crescendo C. Une mort presque certaine
Conclusion Sources
Acte IV, scène 7
CLINDOR. Aimables souvenirs de mes chères délices, Qu'on va bientôt changer en d'infâmes supplices, Que malgré les horreurs de ce mortel effroi, Vos charmants entretiens ont de douceurs pour moi ! Ne m'abandonnez point, soyez-moi plus fidèles Que les rigueurs du sort ne se montrent cruelles ; Et lorsque du trépas les plus noires couleurs Viendront à mon esprit figurer mes malheurs, Figurez aussitôt à mon âme interdite Combien je fus heureux par delà mon mérite. Lorsque je me plaindrai de leur sévérité, Redites-moi l'excès de ma témérité : Que d'un si haut dessein ma fortune incapable Rendait ma flamme injuste, et mon espoir coupable ; Que je fus criminel quand je devins amant, Et que ma mort en est le juste châtiment. Quel bonheur m'accompagne à la fin de ma vie ! Isabelle, je meurs pour vous avoir servie ; Et de quelque tranchant que je souffre les coups, Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous. Hélas ! que je me flatte, et que j'ai d'artifice A me dissimuler la honte d'un supplice ! En est-il de plus grand que de quitter ces yeux Dont le fatal amour me rend si glorieux ? L'ombre d'un meurtrier creuse ici ma ruine : Il succomba vivant, et mort il m'assassine ; Son nom fait contre moi ce que n'a pu son bras ; Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ; Et je vois de son sang, fécond en perfidies, S'élever contre moi des âmes plus hardies, De qui les passions, s'armant d'autorité, Font un meurtre public avec impunité. Demain de mon courage on doit faire un grand crime, Donner au déloyal ma tête pour victime ; Et tous pour le pays prennent tant d'intérêt, Qu'il ne m'est pas permis de douter de l'arrêt. Ainsi de tous côtés ma perte était certaine : J'ai repoussé la mort, je la reçois pour peine. D'un péril évité je tombe en un nouveau, Et des mains d'un rival en celles d'un bourreau. Je frémis à penser à ma triste aventure ; Dans le sein du repos je suis à la torture : Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil, Je vois de mon trépas le honteux appareil ; J'en ai devant les yeux les funestes ministres ; On me lit du sénat les mandements sinistres ; Je sors les fers aux pieds ; j'entends déjà le bruit De l'amas insolent d'un peuple qui me suit ; Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare : Là mon esprit se trouble, et ma raison s'égare ; Je ne découvre rien qui m'ose secourir, Et la peur de la mort me fait déjà mourir. Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme, Dissipes ces terreurs et rassures mon âme ; Et sitôt que je pense à tes divins attraits, Je vois évanouir ces infâmes portraits. Quelques rudes assauts que le malheur me livre, Garde mon souvenir, et je croirai revivre. Mais d'où vient que de nuit on ouvre ma prison ? Ami, que viens-tu faire ici hors de saison ?
Introduction
I) Clindor est coupable d'aimer
A. Il prend conscience de son amour pour Isabelle B. Analogie avec la littérature courtoise C. Clindor est condamné
II) Fatalité sociale et solitude
A. Clindor est une victime B. Le jeune homme éprouve une grand solitude
III) Un personnage nerveux et angoissé
A. Il anticipe la scène du procès et de la sentence B. Une panique crescendo C. Une mort presque certaine
Conclusion Sources
Acte IV, scène 7
CLINDOR. Aimables souvenirs de mes chères délices, Qu'on va bientôt changer en d'infâmes supplices, Que malgré les horreurs de ce mortel effroi, Vos charmants entretiens ont de douceurs pour moi ! Ne m'abandonnez point, soyez-moi plus fidèles Que les rigueurs du sort ne se montrent cruelles ; Et lorsque du trépas les plus noires couleurs Viendront à mon esprit figurer mes malheurs, Figurez aussitôt à mon âme interdite Combien je fus heureux par delà mon mérite. Lorsque je me plaindrai de leur sévérité, Redites-moi l'excès de ma témérité : Que d'un si haut dessein ma fortune incapable Rendait ma flamme injuste, et mon espoir coupable ; Que je fus criminel quand je devins amant, Et que ma mort en est le juste châtiment. Quel bonheur m'accompagne à la fin de ma vie ! Isabelle, je meurs pour vous avoir servie ; Et de quelque tranchant que je souffre les coups, Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous. Hélas ! que je me flatte, et que j'ai d'artifice A me dissimuler la honte d'un supplice ! En est-il de plus grand que de quitter ces yeux Dont le fatal amour me rend si glorieux ? L'ombre d'un meurtrier creuse ici ma ruine : Il succomba vivant, et mort il m'assassine ; Son nom fait contre moi ce que n'a pu son bras ; Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ; Et je vois de son sang, fécond en perfidies, S'élever contre moi des âmes plus hardies, De qui les passions, s'armant d'autorité, Font un meurtre public avec impunité. Demain de mon courage on doit faire un grand crime, Donner au déloyal ma tête pour victime ; Et tous pour le pays prennent tant d'intérêt, Qu'il ne m'est pas permis de douter de l'arrêt. Ainsi de tous côtés ma perte était certaine : J'ai repoussé la mort, je la reçois pour peine. D'un péril évité je tombe en un nouveau, Et des mains d'un rival en celles d'un bourreau. Je frémis à penser à ma triste aventure ; Dans le sein du repos je suis à la torture : Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil, Je vois de mon trépas le honteux appareil ; J'en ai devant les yeux les funestes ministres ; On me lit du sénat les mandements sinistres ; Je sors les fers aux pieds ; j'entends déjà le bruit De l'amas insolent d'un peuple qui me suit ; Je vois le lieu fatal où ma mort se prépare : Là mon esprit se trouble, et ma raison s'égare ; Je ne découvre rien qui m'ose secourir, Et la peur de la mort me fait déjà mourir. Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme, Dissipes ces terreurs et rassures mon âme ; Et sitôt que je pense à tes divins attraits, Je vois évanouir ces infâmes portraits. Quelques rudes assauts que le malheur me livre, Garde mon souvenir, et je croirai revivre. Mais d'où vient que de nuit on ouvre ma prison ? Ami, que viens-tu faire ici hors de saison ?
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Extraits
[...] Coupable d'aimer Clindor se retrouve seul en prison après avoir tué Adraste et est condamné à mourir. Le personnage est donc amené à méditer sur ses sentiments. Il prend conscience de son amour pour Isabelle L'étude du vocabulaire révèle la prise de conscience des sentiments de Clindor ; en effet le lexique de l'amour (délices, douceurs, flamme, amant, bonheur) témoigne la passion de Clindor pour Isabelle. Par ailleurs, l'apostrophe Isabelle je meurs pour . ) célèbre la femme aimée et rappelle le pouvoir de l'amour. [...]
[...] En est-il de plus grand que de quitter ces yeux Dont le fatal amour me rend si glorieux ? L'ombre d'un meurtrier creuse ici ma ruine : Il succomba vivant, et mort il m'assassine ; Son nom fait contre moi ce que n'a pu son bras ; Mille assassins nouveaux naissent de son trépas ; Et je vois de son sang, fécond en perfidies, S'élever contre moi des âmes plus hardies, De qui les passions, s'armant d'autorité, Font un meurtre public avec impunité. [...]
[...] Il s'apparente donc à priori à un personnage tragique, mais il s'en distingue puisque les deux derniers vers de son monologue se terminent sur un véritable coup de théâtre : Lyse et Isabelle viennent libérer le jeune homme . Sources : *L'hybris (aussi écrit ubris, du grec ancien ὕϐρις / húbris) est une notion grecque que l'on peut traduire par démesure C'est un sentiment violent inspiré par les passions et plus particulièrement, par l'orgueil. Les Grecs lui opposaient la tempérance, ou modération (sophrosune). Dans la Grèce antique, l'hybris était considérée comme un crime. [...]
[...] ) accentuent l'horreur de la situation. Une mort presque certaine Le lexique de la mort (torture, funestes, fatal, mort, terreurs, infâmes . ) associé au lexique du divin (flamme, âme, divins, malheur, souvenir . ) nous amène à considérer Clindor comme un héros de tragédie puisqu'il semble destiné à mourir. Conclusion: A l'issue de cette analyse, Clindor apparaît donc comme étant un personnage plus grave et sérieux puisqu'il rompt avec l'inconstance en révélant son amour pour Isabelle. Il est aussi une victime des lois sociales du XVIIème siècle puisqu'un valet ne peut aimer une femme de bonne condition. [...]
[...] ) qui n'est pas sans rappeler la littérature courtoise, dont le thème est généralement l'amour malheureux. De plus, ce vocabulaire de la chevalerie associé à une symétrie de syntaxe je meurs pour vous avoir servie [ ] je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous. évoque une équivalence entre la gloire et la mort. Condamné Mais Clindor réalise que son amour pour Isabelle est aussi la raison pour laquelle il est enfermé, et condamné à mourir. C'est pour cela que le lexique de l'amour est étroitement lié au lexique de la mort composé des termes coupable, criminel, châtiment, meurs . [...]
La scène 7 de l'acte IV est consacrée au personnage de Clindor qui se caractérise par son inconstance amoureuse : il éprouve une réelle hésitation entre Isabelle et sa suivante, Lyse. De plus, il est en conflit avec son père, ce qui l'a poussé à quitter son foyer. Corneille lui offre...
La situation est désespérée : pour avoir tué Adraste, son rival et prétendant officiel auprès de la princesse Isabelle, Clindor a été condamné à mort. L'attente de son exécution est pour lui l'heure de vérité : plus rien ne compte que le souvenir...