Victor Hugo, auteur romantique du XIXème siècle, écrit dans Le tas de pierres publié à titre posthume en 1942 : "le théâtre n'est pas le pays du réel ; il y a des arbres de carton, des palais en toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre. C'est le pays du vrai : il y a des coeurs humains sur la scène, des coeurs humains dans la coulisse, des coeurs humains dans la salle". Dans la première partie de sa phrase, l'auteur constate que le théâtre ne représente pas de manière crédible le réel ; la seconde partie fait des personnages, acteurs et public, un tout : le théâtre exprime ainsi une vérité humaine qui a pour but d'explorer les sentiments profonds. Il s'agit donc, dans cette dernière, de définir le théâtre, son but et ses fonctions : celui-ci n'a pas pour but la réalité mais la vérité. Mais, justement, comment allier deux notions a priori antithétiques ? Le théâtre est-il un miroir reflétant la vie ? Il faut chercher une réponse en explorant l'illusion dramatique propre au théâtre qui multiplie les artifices, puis la part de vérité humaine qui s'y cache et finalement la remise en question de l'illusion.
[...] On use de tous les moyens, appelés "illusion dramatique" pour convaincre le spectateur du contraire . ces procédés aussi bien rhétoriques , scénographiques ou de l'ordre des conventions théâtrales ne sont malheureusement pas fidèles au réel ce qui pousse Victor Hugo à déclarer que le théâtre est au contraire le "pays du vrai". Le théâtre exprime par contre, le vrai, en montrant la réalité des sentiments humains. "Nous voulons de la vie dans le théâtre et du théâtre dans la vie" disait Jules Renard. [...]
[...] Cette sublimation n'a pas lieu dans la pièce écrite par Victor Hugo qui ne veut pas de l'artificialité. Victor Hugo qui ne souhaitait pas, et surtout contre-disait, l'idée selon laquelle "réalité " et "théâtre" sont semblables, avait pour but premier d'être fidèle aux sentiments humains, aussi bien par le renouvellement de mythes anciens, une stylisation particulière ou encore la révélation d'une vérité humaine. On assiste donc, par la suite, à une véritable remise en question de l'illusion dramatique. L'illusion au théâtre, rejetée dès Hugo, ne se conforme pas aux règles définies dans la Poétique d'Aristote. [...]
[...] de même, il existe dans le théâtre naturaliste un usage qui impose l'existence d'un mur imaginaire séparant la scène de la salle. Mieux encore, ces conventions tentent désespéremment de combler le vide entre réel et théâtre comme le prouve la théorie du mélange des registres dans le théâtre romantique. avec Ruy Blas, Victor Hugo applique sa propre conception du théâtre qui mélange aussi bien le tragique que le comique ou le grotesque et le sublime. C'est par ce biais qu'il compte rendre sa réalité perdue au théâtre. [...]
[...] Cette vérité sur l'homme repose aussi bien sur la place du symbolique, la présence de stylisation et finalement le reflet de sentiments profonds. "Faire du théâtre, c'est se mettre à l'écoute du monde, pour en être la caisse de résonance", telle est la phrase courte et incisive que laisse Laurent Terzieff, acteur émérite, dans le Figaro. En effet, aussi bien le théâtre antique, la tragédie du XVII ème siècle ou encore le théâtre du début du XX ème tirent leurs sources de récits mythologiques. [...]
[...] Dans sa citation, Victor Hugo établit que rien n'est réel dans la théâtre à cause de l'illusion dramatique mais qu'il existe sans conteste une vérité dans les sentiments. Avec le XX ème siècle, le rejet du modèle cathartique et de la mimesis va créer un tout nouveau théâtre, basé sur la réflexion. La théorie obsolète de Delacroix selon laquelle "le théâtre est l'un des témoignages les plus certains de l'homme d'éprouver à la fois le plus d'émotions possibles" laisse place à un théâtre qui se remet en question dans ses fondements premiers . [...]
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