Aller au théâtre, c'est forcément se placer hors du monde habituel dans lequel nous évoluons : le théâtre, c'est d'abord un lieu spécifique, ou à défaut un espace spécifique ; on y parle de décor, à « monter » ou « démonter » ; de rideau, qui se « lève », se « baisse ». C'est tout un champ lexical qui nous plonge dans un univers à part et que Victor Hugo oppose « au pays du réel » en mentionnant « des arbres en carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre ». Notre grand poète et ...
[...] Le théâtre, historiquement n'a rien à voir avec le monde réel , non seulement matériellement, mais au cœur même des sources d'inspiration. L'Antiquité met en scène des tragédies dont les personnages sont des humains et des dieux : les grands mythes illustrés par Echyle, Euripide ou Sophocle montrent des dieux vengeurs qui manipulent des humains aux prises avec des situations qui aujourd'hui surtout nous paraissent improbables : c'est par exemple Antigone enterrée vivante par son oncle parce qu'elle voulait empêcher que la dépouille de son frère ne pourrisse au soleil et que son âme soit condamnée à errer pour l'éternité. [...]
[...] Dans la même pièce qui met en scène trois protagonistes, ceux-là tour à tour se retrouvent seuls devant le public et dans des monologues qui n'appartiennent qu'au langage théâtral ils font part de leurs états d'âme ou des événements auxquels le public n'a pas assisté. De même , les sentiments qui animent les personnages ne sont que l'imitation de ce que l'on peut trouver dans la vie. Les larmes, la mort seront abolies dés que les comédiens reviendront saluer leur public. Ainsi, quelle soit l'époque, même si les formes changent, le texte de théâtre ne se construit que sur l'artifice. [...]
[...] Dans de telles circonstances, on peut parler de communion entre la salle et la scène ou entre les spectateurs. En outre, la qualité d'écoute du public est un facteur important dans la qualité du jeu des comédiens ; ils recourent à des formules telles que la salle était bonne ce soir : c'est dire à quel point ils sont réceptifs au signaux volontaires ou non qu'envoient les spectateurs. Hugo n'aurait pu y faire référence, mais de nos jours chaque habitué des salles de théâtre connaît cet avertissement qui lui demande d'éteindre son téléphone portable : chaque bruit émis dans la salle atteint les comédiens. [...]
[...] Finalement, si l'on réussit à considérer le théâtre comme l'art de l'illusion aussi bien que celui de la vérité c'est qu'il cultive lui-même l'ambiguïté. Mais en cela, il reproduit ce que reflètent les miroirs. Les hommes ont besoin de se voir dans la glace, et pourtant ils savent que l'image qu'elle leur renvoie n'est pas eux . On peut parfois saisir son image à l'improviste et ne pas se reconnaître immédiatement. On est parfois déçu ou au contraire étonné de son image. De même, le théâtre nous paraît excessif ou réaliste, naturel ou artificiel. [...]
[...] Dès le lever du rideau l'œil du spectateur évalue le décor. Là encore il a évolué avec le époques : le scène peut avoir été dénudé ou agrémentée : on peut imaginer la représentation d'une pièce de Molière dans un salon aussi précieux qu le fameux Hôtel de Rambouillet, la chambre bleue d'Artémis , surchargée de meubles style Louis XIV et de leurs fleurs prétendument odorantes ! les meubles seront des copies, les fleurs seront en papier ; on peut aussi concevoir le même décor tout en trompe l'œil, peint sur de la toile ou du carton ; on peut tout aussi bien imaginer Les femmes savantes sa pâmant devant Trissotin assises sur de simples poufs. [...]
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