L'ogre
Son caractère apparaît contrasté. Ainsi, la violence de sa passion ("Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut", vers 14) et ses caractéristiques physiques ("peau velue", vers 15 ; "bouche énorme", vers 32) détonnent avec son naturel "bon et naïf" (vers 34) qui lui fait reconnaître sans malice son crime.
L'enfant
C'est un enfant naturel, entouré d'une certaine part de mystère, notamment sur son géniteur ("on ne sait pas de qui", vers 18). Hugo en fait un portrait à la fois schématique ("Bel enfant blond", vers 20) et original ("nourri de crème et de brioche", vers 20).
(...)
- Un décor soviétique fantaisiste
Le contexte russe est souligné par :
. le lieu ("Moscovie", vers 11 ; "Moscovite", vers 22)
. le temps ("un beau jour d'hiver", vers 15 ; "quand il neige en décembre", vers 24)
. le nom imaginaire à consonance slave ("Ogrouski", vers 17).
- Le récit proprement dit
. la situation initiale est bien celle d'un conte avec un ogre amoureux d'une fée (vers 11-12). Elle n'est pas sans rappeler la fable de La Fontaine, "Le Lion amoureux" (Livre IV, fable 1) dans laquelle un lion est amoureux d'une bergère et la demande en mariage.
. des péripéties burlesques. La suite du récit était déjà annoncée par le dernier vers de la morale antéposée, créant un effet de suspense : "Un coup de dent de trop" (vers 10). L'élément perturbateur est alors raconté sur un mode familier : "croquer le marmot" (vers 26), "gober ainsi les mioches" (vers 29), ...
. la situation finale est rapportée de façon burlesque, burlesque qui repose sur le jeu entre les sens propre et figuré de l'expression "croquer le marmot" (sens figuré : attendre longtemps en s'ennuyant).
Le lecteur comprend bien que l'humour dans la façon de raconter fait de ce récit une parodie de conte (...)
[...] quand même on est transi Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci : Un brave ogre des bois, natif de Moscovie, Était fort amoureux d'une fée, et l'envie Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue, Se présente au palais de la fée, et salue, Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrouski. La fée avait un fils, on ne sait pas de qui. [...]
[...] Ainsi, l'amour nécessite : .de se surveiller et de se dominer (on s'observe, on se scrute, vers 3 ; On met le naturel de côté, vers et donc de s'oublier un peu .de se faire discret (nain, vers 5 ; On se tait, vers .d'être patient (on attend, vers .de ne pas se plaindre qui à mentir même un peu (jamais on ne s'ennuie, / On trouve bon le givre, et la bise et la pluie, vers 7-8). Conclusion Ce poème tranche avec la poésie hugolienne habituelle. Le poète lyrique ou engagé se transforme ici en poète mûr, prenant du recul et s'amusant en utilisant l'humour et la parodie. Loin d'être sentencieux, Hugo exprime ici son penchant irrépressible pour l'amour. [...]
[...] Lors de l'écriture de Bon conseil aux amants Hugo est alors âgé de plus de soixante-dix ans. Il faut bien dire que c'est un expert en la matière puisqu'il aura, jusqu'à un âge avancé, de nombreuses maîtresses. En même temps, c'est un grand-père qui aime bien raconter des histoires. Conseil en forme de fable où la morale encadre le récit fantaisiste des amours cannibales d'un ogre amoureux d'une fée, Bon conseil aux amants exprime tout l'humour hugolien pour aboutir à une parodie amusée. [...]
[...] Hugo en fait un portrait à la fois schématique (Bel enfant blond, vers 20) et original (nourri de crème et de brioche, vers 20). De plus, celui-ci est présenté familièrement (mioche, vers 19 ; marmot, vers 26) et occupé à une activité typiquement enfantine (Il était sous la porte et jouait au cerceau, vers 22). - la fée Ses dénominations évoquent l'univers du conte, qu'il s'agisse de dame (vers évocatrice du Moyen Âge, ou de Calypso (vers nymphe de la mythologie qui accueillit et aima Ulysse dans l'Odyssée. [...]
[...] L'ogre se mit alors à croquer le marmot C'est très simple ; pourtant c'est aller un peu vite, Même lorsqu'on est ogre et qu'on est Moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain Le bâillement d'un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe ; La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme : - As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ? Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé. 35 Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère. Victor Hugo, Bon conseil aux amants, Toute la lyre Ananké : destin, fatalité. [...]
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